Cela fait quelques temps que je ne trouve plus l’envie de donner mon avis par écrit sur quoi que ce soit et que je m’interroge même carrément sur la pertinence de la chose. A vrai dire, écrire ce genre de critiques me donne parfois l’impression de profiter du travail des autres, d’être une espèce de parasite inutile, un écrivaillon qui choisit la voie de la facilité au lieu de mettre les mains dans le cambouis et de pondre quelque-chose de consistant. Il s’agit là probablement d’une question à régler lors de ma prochaine psychanalyse. Enfin bon, ce n’est pas tous les jours que je reçois un beau roman tout neuf par la poste sans devoir débourser un centime.

Plus de six-cent pages plus tard : voilà, c’est fait, j’ai fini de lire La Femme à 1000°. Première observation, après une bonne nuit de sommeil : ce n’est pas un livre très gai, contrairement à ce que la quatrième de couverture pourrait laisser croire de prime abord. Pensez donc : une vieille islandaise attend la mort alitée au fond d’un garage et en profite pour ressasser sa vie tumultueuse, sans quitter des yeux la grenade qui l’accompagne partout. Cocasse non ? Ajoutez-y une référence aux nazis, et on pourrait presque s’attendre à un chef d’œuvre d’absurde et de cynisme.

Sauf que non. S’il comporte une bonne dose de cynisme, ce roman est avant tout tragique, l’absurdité se faisant d’ailleurs immanquablement présente mais moins comme un ressort comique que comme une implacable réalité. Herbjörg Maria Björnsson, dite Herra (Dieu merci), raconte en effet ses multiples vies : son enfance aisée en Islande, son adolescence solitaire au plus profond des horreurs de la guerre, puis toute une existence faite de voyages, de bonheurs et (surtout ?) de malheurs divers, avec en toile de fond une confrontation permanente aux hommes.

Evidemment, mieux vaut faire preuve d’un minimum de curiosité vis-à-vis de l’Islande pour en apprécier la lecture. Herra revient en effet longuement sur le destin singulier de son petit pays insulaire, mais pas seulement. Les conséquences dévastatrices de la seconde guerre mondiale sur sa famille et son adolescence occupent une grande part du récit de Herra, qui se permet aussi de donner un regard critique sur l’époque qui la voit s’éteindre. Heureusement, quelques passages plus légers et bienvenus viennent éclaircir le tout de temps à autres.

Dans sa construction, La Femme à 1000° ne suit pas une stricte chronologie. On saute régulièrement d’une époque à l’autre, de souvenirs en souvenirs, mais le tout reste clair. Et si la chronologie est décousue, l’intensité ne fait, elle, qu’augmenter. Par ailleurs, je voudrais souligner l’excellente qualité de la traduction française. Hallgrimur Helgason, l’auteur, semble adorer jouer avec les mots, et s’il m’est impossible de le vérifier directement vu mon absence de niveau d’islandais, le traducteur Jean-Christophe Salaün a fait un magnifique travail pour le laisser transparaître. Enfin, pour être franc, j’étais plutôt content d’en avoir fini avec La Femme à 1000° lorsque j’ai tourné la dernière page du livre. Certaines longueurs peuvent en effet s’avérer décourageantes, à la longue. Toutefois, se lancer peut en valoir la peine : cette bonne vieille Herra le vaut bien.
Nonivuniconnu
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le 22 août 2013

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Nonivuniconnu

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