La Femme au miroir par madamedub
Dans son nouveau livre, « La femme au miroir », Eric-Emmanuel Schmitt retrace le parcours de trois femmes, trois déclinaisons de la féminité au travers de trois époques.
Anne vit à Bruges au XVI° siècle, au côté de sa tante et de sa cousine Ida, elles préparent le mariage imminent de la jeune femme avec le plus beau parti de la ville. Mais Anne peine à s'en réjouir vraiment. Sentant que ses aspirations diffèrent, elle fugue à plusieurs reprises dans la nature où elle se réfugie, avant d'entrer dans le célèbre béguinage de la ville aux canaux.
Hanna habite Vienne. En ce début de XX° siècle, la ville étincelle, entre les opéras, les bals...Tous les regards sont braqués sur cette jeune mariée, mais seule ombre à ce tableau idyllique, elle ne semble pas parvenir à tomber enceinte, et donner un héritier à la famille Waldberg. Seule ombre? Hanna fait une grossesse nerveuse, et dès lors s'impose à elle que son corps lui échappe, et donc son mental. A la même époque, il se murmure qu'une nouvelle pratique de soin donne des résultats stupéfiants sur certaines personnes qui peinent à se comprendre elles-mêmes, ils appelleraient cela la psychanalyse.
Enfin, Anny connaît la succes story qui ferait rêver toutes les jeunes filles de sa génération: elle embrasse la gloire précoce à Holywood, et enchaîne grosses productions sur grosses productions. Mais une telle frénésie la dévore, et l'éloigne de qui elle est vraiment, emplissant sa journée d'étincelles, elle finit par ne plus trouver le temps de se demander ce qu'elle voudrait vraiment faire de sa vie.
Ces trois femmes aux parcours différents ont en commun de lutter contre la pression sociale, masculine, mais aussi matriarcale de rites imposés aux femmes depuis des siècles. Sous ce joug, elles souffrent, et comprennent que nul bonheur authentique n'est possible dans un tel carcan.
Parce qu'elle est ingénue et altruiste, le XVI°siècle veut faire d' Anne une sainte ou une sorcière. A l'émancipation de la domination masculine , il lui faut résister face à la pression de la religion.
Parce qu' Hanna doit être une mère à tout prix, pour être une femme, elle trompe la stérilité de son ventre en multipliant des collections d'objets d'arts ruineux.
Et parce qu' Anny est une brillante actrice, on la dépossède de son intimité.
Mais au delà du beau projet, ce livre est très caricatural.
Vivant dans un siècle qui s'arrache lentement du moyen-âge, Anne doit affronter le loup pour atteindre son émancipation et sa bonté infinie, irréaliste, sa douceur sans faille, finissent par faire d'elle un personnage impossible, une icône féminine, comme l'auteur pourtant les dénonce.
Le personnage d' Hanna (comme les deux autres globalement) souffre aussi de son statut d' icône, ce qui peine à rendre son combat intéressant: elle est belle, intelligente, brillante, mais souffre d'être si différente des autres... on peine à s'identifier à ce personnage. Même si elle connaît des difficultés, les épreuves elles-même sont caricaturales. Un moment qui illustre ce propos est celui de la présentation de la psychanalyse à Hanna. En effet son thérapeute lui explique comme suit sa démarche: « Certains jours, vous ne me direz rien, ça restera une séance de travail. Certains jours, vous pleurerez, et ce sera une avancée. Certains jours, vous me détesterez. Cependant, à d'autres moments, vous allez m'apprécier, m'apprécier trop, vous embraser. Ce sera le transfert. On peut d'ores et déjà augurer que vous aurez l'impression d'être amoureuse de moi ».
Quant à Anny, elle est l'icône de la société actuelle, le produit des blockbusters, de la téléréalité. Enfant star consumée trop tôt, noyée dans l'opulence, prisonnière de son image, détruite par les drogues.
Pour résumer trois personnages caricaturaux, comme si les femmes étaient conçues entre les Jeanne d' Arc, les Sissi et les Britney Spears, idole de leurs générations, mais représentatives pour autant?
Emma Breton