Elisa et Gilles vivent heureux et amoureux dans leur petite maison ouvrière, dans la Belgique des années 30. Elisa n'a d'yeux que pour Gilles, mais Gilles tombe soudainement fou d'amour pour Victorine, la petite sœur qui côtoie le couple depuis des années. Elisa est brisée, mais tient bon.

Je suis tiraillée par ce livre, partagée entre le coup de cœur et l'incompréhension totale. Deux sentiments que je n'ai jamais vu coexister en une lecture, et c'est très étrange. Et dur de l'expliquer en quelques mots.

Il y a des choses que j'ai profondément aimé (sa douceur, sa sensualité, le regard amoureux et caressant de cette femme pour qui son mari est son monde), et d'autres que je n'ai même pas su intégrer comme probables, comme ayant du sens pour moi :

comment une femme peut-elle réagir aussi passivement à la tromperie de son mari, comment peut-elle devenir pour lui aidante ? Quel rapport étrange et invraisemblable à la sœur, enveloppe vide, dénuée de psychologie !

Ce roman m'a un peu brisé le cœur, il est très mélodramatique, voir niais par moment, mais son écriture est belle et évocatrice. Je me suis projetée dans ce qu'elle pouvait ressentir en imaginant son homme la tromper, j'ai eu beaucoup de peine pour elle. J'ai aimé l'intériorité de cette femme, son amour démesuré, sa douleur, ses espoirs décortiqués... Sa psyché intérieure est finement étayée, il y a quelques modernismes dans l'écriture que j'ai trouvé très plaisants. Malheureusement les autres personnages sont des enveloppes vides, et les relations interpersonnelles sonnent du coup très creuses.

Victorine est littéralement un personne non-joueur comme on en trouve dans les jeux vidéo, elle n'est qu'un catalyseur sans aucune épaisseur, on se demande même l'intérêt narratif à ce qu'elle soit la sœur d'Elisa. Bête mais comme un sims à qui tu fais coucou quand il passe dans le lotissement, elle est insignifiante (au sens où je ne lui trouve aucun sens), ne dégage rien... et donc on est sur une catalyse fade, un comble !

C'est une lecture très rapide, mais trop longue pour être une nouvelle : de là le bas blesse, car peut-être que j'aurai été moins sévère si dès le départ, je partais du principe que La Femme de Gilles était une nouvelle. Resserrage de l'intrigue, simplicité de la psychologie, twist final ingénieux mais sans prétention, et j'aurai été ravie !

Là la longueur m'a laissé croire que le terreau pour un développement psychologique vraisemblable allait être suffisant. Celui d'Elisa est bien étayé, celui des autres personnages est calamiteux à mon sens : je ne peux pas croire qu'une femme réagirait comme ça, en donnant des conseils à son mari pour que sa relation adultérine fonctionne (wtf). Et SI JAMAIS cette femme, cette relation entre sœurs, cette complaisance entre un homme aimé et sa femme amoureuse existait, alors j'ai besoin d'un glissement graduel pour y croire. Ici le terrain n'a pas été assez labouré, j'ai l'impression que Madeleine nous montre du doigt sa production (magnifique) de choux sans avoir planté de graines !

Autre point essentiel qui me fait tout de même beaucoup aimé cette lecture : l'évocation simple du milieu ouvrier en Belgique. Ca parle de terrils, de hauts fourneaux, d'une femme qui dignement prend soin de sa maisonnée, d'un homme qui fait les trois huit comme beaucoup dans cette région et à cette époque. C'est gentillet mais aussi brusquement sensuel, ça joue avec plusieurs tonalités dans la narration (descriptions classiques, puis voix intérieur erratique, puis déploiement spleenesque...), on ressent le plaisir qu'a eu Madeleine Bourdhouse à écrire cette histoire, et rien que pour ça j'ai de la tendresse pour cette lecture. L'écriture, pour clôturer sur une note positive, m'a beaucoup plus. Vite un autre !

aaiiaao
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le 12 janv. 2024

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