Second volet de la trilogie des ombres d'Indridason, consacrée à l'occupation de l'Islande par les britanniques et les étasuniens durant la second guerre mondiale. Et, plus généralement peut-être, aux bouleversements auxquels a été confronté ce pays durant la second guerre mondiale; ce qu'Indridason assimile en quelque sorte à une perte d'innocence. C'est à travers - dans ce volume - deux intrigues policières que le lecteur va pouvoir appréhender cette notion de perte d'innocence, dont on verra plus bas qu'elle est allée assez loin.


Deux intrigues fort bien construites au demeurant et que vont démeler en parallèle les enquêteurs Thorson et Flovent. La première suit un fil chronologique classique, linéaire, et permet de découvrir la vie des couches populaires de la société islandaise de l'époque, ainsi que la façon dont celle-ci considère l'homosexualité, qui, sans surprise, ne s'affiche pas franchement au grand jour. La seconde enquête est d'une construction plus complexe, reposant sur un déroulement chronologique des investigations policières, narrées en parallèle d'un flashback, les deux convergeant en fin de bouquin sur une fin quelque peu ouverte. C'est très bien fichu, grâce des ambiguïtés entrenues puis levées par l'auteur sur les patronymes, de telle sorte voit petit à petit les pièces du puzzle se mettre en place. Là, il est plutôt question de collaboration de certains islandais avec les allemands, ces derniers ne pouvant être que sensibles au caractère hautement nordique de l'Islande.


Comme dans le premier volume, une place enviable est donnée dans l'évocation historique au sort des femmes durant la période. Pour bien exposer ce de quoi il est question : l'Islande est avant la guerre une ile plutôt coupée du reste du monde, de population relativement faible (124.000 habitants en 1943), dans une société très rurale et plutôt conservatrice de moeurs. Y déboulent d'un seul coup d'un seul des dizaines de milliers de troufions, britanniques d'abord, mais surtout étasuniens en transit vers la guerre en Europe ensuite. Très majoritairement des hommes sans aucun doute ! Jeunes et désireux de profiter autant que faire se peut de la vie, ce qui peut se comprendre puisqu'ils vont la risquer sur le front. Autant dire que nombreuses ont été les islandaises à avoir des liaisons amoureuses avec des représentants de cette population mâle, perçue comme exotique et d'une certaine oppulence. Population dont le comportement et les intentions n'étaient pas dans tous les cas exactement en phase avec les attentes des jeunes islandaises ainsi cotoyées. Toujours est-il que le phénomène a été si marqué qu'il en est né une expression : de la situation du pays (occupation) a été dérivée l'expression "être dans la situation", utilisée pour désigner (pudiquement) une femme islandaise ayant une liaison avec un militaire étasunien. Ajoutons que tout cela n'a pas forcément été du goût de la population masculine islandaise : maris trompés, patriarcat.


Que dire de plus ? Pour conclure, c'est encore une fois un très bouquin d'Indridason qui entremêle enquête policière et évocation de l'histoire islandaise du vingtième siècle.

Marcus31
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le 27 janv. 2022

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