La Femme et le Paysage par BibliOrnitho
Cet été-là, le Tyrol est écrasé par une canicule que l’altitude ne vint pas atténuer. Le manque de pluie avait durci le sol, flétri la végétation et exacerbé les sens humains : désormais, le moindre souffle, le moindre voile nuageux étaient vécu comme un renouveau. Une libération.
Dans une pension, le narrateur est écroulé dans un recoin d’ombre. Il attend la délivrance, il attend l’orage, la pluie : la fraicheur. Quand une jeune fille apparaît : elle vient d’arriver avec ses parents. Elle est, avec lui, la seule personne à souffrir visiblement et à ce point de cette chaleur moite qui pèse telle une enclume sur la région. A table ce soir-là, elle n’eut pas plus d’appétit que lui.
En soirée, le narrateur sortit s’affaler dans un fauteuil de rotin qui avait été oublié à l’extérieur. Tout à sa langueur, il s’endormit pour se réveiller tard dans la nuit. Quand il regagna sa chambre, il y trouva la jeune fille qui semblait l’attendre en regardant la nuit par la fenêtre ouverte.
Les sens énervés par la moiteur de la nuit, elle se serra contre lui. Le seul fin tissu qu’elle portait ne laissait rien ignorer de la chaleur de son corps. Le narrateur, probablement pris d’une violente érection, répondit à l’ardeur de la demoiselle. Pourtant, il fut encore suffisamment lucide pour noter qu’elle ne semblait pas consciente. Mais quand, faisant un violent effort pour contrer ses pulsions bien naturelles, il tenta de l’asseoir pour la faire revenir à elle, la belle protesta et resserra son étreinte.
L’érotisme de la situation vola en éclat lorsque gronda le tonnerre. La jeune fille se réveilla enfin et s’enfuit. Le lendemain, la pluie tombée lors de la seconde partie de la nuit, parut l’avoir lavée du démon qu’il l’avait envoûte : elle ne gardait aucun souvenir des turbulences de la nuit.
Dans cette nouvelles, le démon reprend du service et, comme dans Amok, pousse un être vivant à commettre des actes extraordinaires, en décalage complet avec sa nature. Une nouvelle surchauffée, quelque-peu sulfureuse dans laquelle personnages et environnement s’interpénètrent. La chaleur est démoniaque, omniprésente. Elle écrase aussi bien la végétation, les montagnes, les murs de la pension que les individus. Tout est au même niveau, sur un pied d’égalité. La narration est pour cela lente et descriptive : nous ne sommes plus dans des rythmes animaux mais bien dans une lenteur paysagère, végétale (si tant est que l’expression ait un sens). Tout est immobile et sur le point de craquer. Dans l’attente de la pluie salvatrice et purificatrice.
Zweig où l’art extraordinaire d’une plume en or !