Vivre l’étrange drame d’être une femme

Citer Sardou en parlant de Beauvoir...vive SensCritique.

Passionnante découverte que mon premier roman de Simone de Beauvoir. Bien sur, je connaissais la femme, l’emblème, sa sulfureuse relation avec Sartre et son féminisme bien trempé, mais je ne m’étais bizarrement jamais penchée sur ses œuvres, pourtant nombreuses et reconnues.

La femme rompue se partage en trois nouvelles distinctes qui n'ont en commun que le fait qu'elle soient racontées a la première personne et par des femmes. Je commence donc le livre en étant persuadée de retrouver tous les stéréotypes du féminisme moderne et en me demandant si je ne risque pas de rencontrer tous les clichés de la société traditionnelle dénoncés en toutes lettres. C’était oublier la force et la finesse des premières et réelles militantes des droits des femmes de la première heure et le talent d'une écrivain hors pair.
La première nouvelle, 'L'âge de discrétion", nous plonge dans l'univers rarement abordé de la vieillesse et de ses aléas. La place d'une femme et d'un homme qui abordent différemment cette problématique et comment y survivre en restant unis. La maternité y est décrite avec sa force et ses défauts.
Changement radical de registre dans la seconde nouvelle, "Monologue", qui m'a laissée bouche bée : la est la force d'un vrai écrivain: pouvoir tout écrire et sur tous les tons. Indescriptible.
Et enfin, la fameuse "Femme rompue". La surprise est encore plus grande que l'on n'a pas affaire a une femme au foyer soumise et sans réflexion mais a une femme éclairée, intelligente, cultivée et qu'on devine même jolie. Rien de manichéen dans cette description de deux êtres qui traversent une véritable crise profonde. On aborde ainsi la problématique préférée de Simone de Beauvoir a savoir - le mariage. Le dévouement total d'une femme implique, selon elle, forcement une soumission, pas forcement au conjoint, mais face aux événements qui peuvent survenir et qui ne lui laisseront pas la liberté du choix. Faire le choix de la dépendance peut ainsi s’avérer fatal.On ressent les regrets et la déception de cette femme ayant tout sacrifié au bénéfice d'une utopie. Dans la finesse et les nuances, on devine le point de vue de l’écrivain sans pour autant y voir un jugement d'aucun des membres du couple: un simple gâchis et beaucoup de tristesse.
Au delà de la critique du monde conservateur, c'est le style qui m'a avant tout séduit. On entre sans effort dans le monde de ces femmes grâce a une écriture puissante et délicate.

Belle (bien que tardive) découverte pour ma part, je recommande ce roman a tous, et pas seulement aux femmes car il est une réflexion sur les êtres humains et notre société et ne s'inscrit pas a mes yeux, dans une ligne féministe réductrice comme on peut le voir récemment.