J'appartiens sans doute trop à mon époque pour apprécier ce livre. On va me parler du contexte dans lequel il a été écrit, on va me dire que Karen Blixen n'était que le produit d'une société où il était communément admis que la civilisation européenne était LE phare de l'humanité, et où le racisme était une théorie de classification des "races" avant d'être un crime. On va certainement me taxer de bien-pensance et me reprocher de ne pas savoir apprécier les magnifiques descriptions de l'auteur. Il n'en reste pas moins que ma sympathie pour Karen Blixen en tant qu'héroïne vacille sévèrement face aux multiples analogies entre autochtones et faune locale ("Lullu m'est venue de la forêt comme Kamante m'est venu de la plaine"), face au regard condescendant enrobé de bienveillance et de paternalisme qu'elle porte sur les us et coutumes de ses "gens". Face enfin, à l'impunité dont bénéficiaient les colons dans leur exploitation des ressources locales (chasse dans des zones préservée, spoliation des terres...). Passage édifiant sur l'état d'esprit de l'époque : Denys Finch Harton se distingue par sa galanterie en demandant l'autorisation à Karen Blixen d'abattre un lion débusqué sur "ses" terres...
Bref, c'est un livre que j'ai pris pour un bon témoignage historique sur le mode de vie des élites de l'époque, mais en aucun cas je n'ai été touchée par le tempérament de Karen Blixen, ni par le regard qu'elle porte sur son existence au Kenya.