Lu en Juillet 2020. En VO (folio bilingue utilisé une fois par page environ pour préciser un terme). 9,5/10
Animal Farm ou La ferme des animaux en français est dans l’œuvre de Georges Orwell une sorte de préfiguration à 1984. En quoi ?
Et bien tout d'abord on y retrouve le style très descriptif avec un narrateur bien souvent externe. Personnellement c'est un style qui me plaît. Les phrases ne sont pas trop longues, c'est très ponctué, on sait où l'on va. Le contre-coup de cette narration c'est le fait qu'on puisse ressentir une certaine répétitivité dans la forme ainsi que dans la progression de l'intrigue. Mais cela sert l'ensemble, cela permet de donner plus de temps au développement des idées de fond.
D'ailleurs, en préfiguration de 1984 on retrouve le genre dystopique. Plus encore, comme dans 1984 c'est une dystopie toute relative tant on peut retrouver dans notre monde actuelle les éléments de cette société terrible. Néanmoins, si ce livre perd un demi point par rapport à son descendant, c'est parce que ce portrait sociétal est réalisé avec un peu moins de finesse et de précision.
Quoi de plus normal ? Après tout c'est une nouvelle et presque une fable, en d'autres termes c'est 1984 en plus abordable, en plus condensé. C'est donc à peine un défaut et si j'avais lu ce livre avant ou, si 1984 n'existait pas, il aurait certainement acquis un 10/10 bien mérité.
Ainsi, Orwell dresse un portrait incroyablement perspicace pour l'époque du régime stalinien et de sa collaboration avec les forces capitalistes. Un portrait satirique où les soviétiques sont des animaux capables de s'auto-gérer sans la présence des hommes, en les haïssant mais évidemment en s'inspirant d'eux. Les dirigeants ce sont les Cochons, qui gouvernent sous l'inspiration préalable de « The Old Major » (Marx). Ainsi l'association « Napoleon » (Staline) / « Snowball » (Trostki) sera une période faste pour les prolétaires de toute la ferme. Mais comme l'histoire nous l'a démontré, cette collaboration ne durera pas longtemps, et Snowball, chassé, fera figure d'ennemi national un peu comme le futur « Goldstein » de 1984. Cette société dérive alors en Marxisme-Staliniste où le manifeste établi le premier jour de la révolution sera peu à peu modifié pour satisfaire les privilèges des dominants (les cochons). Ainsi, culte de la personnalité, police politique, épuration des traîtres, tout le portrait du régime totalitaire (spécialement Stalinien mais pas que) sera brossé dans une satire poignante d'une grosse centaine de pages. On sent néanmoins que certaines nuances, comme par rapport à la religion ou aux contre-pouvoirs n'ont été que peu développés ce qui pourrait paraître inconsistant.
Encore que : « Up there comrades, it lies Sugarcandy Mountain, that happy country where we poor animals shall rest for ever from our labors […] was it not right and just that a better world should exist somewhere else ? » (Moses)
Certains passage ont aussi le luxe d'être particulièrement captivant comme The Battle of Cowshed ou émouvant comme la mort de Boxer, cela étant très lié avec le style descriptif d'Orwell.
Pour ma part, je suis heureux d'avoir pu découvrir le livre en VO, et pour avoir jeté un coup d'oeil sur la traduction, ce n'est clairement pas le même livre tant le rythme et le ton sonnent différemment. Ça renforce d'ailleurs mon « angoisse » quant à l'expérience concrète que je garderai des traductions romanesques.
En conclusion, ce petit livre est pour moi un grand livre qui souffre (presque) seulement d'être comparable à son descendant Orwellien. C'est un bijou, émouvant, photographique, intelligent qui à sa place aux panthéons des classiques.
« I do not believe that Snowball was a traitor at the beginning but if Comrade Napoleon says it, it must be right ! » (Boxer)
« ALL ANIMALS ARE EQUAL BUT SOME ARE MORE EQUALS THAN OTHERS »