"Faire de l'écrit politique un art"
Tel fut l'objectif de George Orwell en écrivant ses œuvres. La maxime est ici fort bien respectée ; il s'agit d'un texte léger, presque un conte pour enfants, avec pour fond la façon dont un régime totalitaire peut s'installer aux commandes.
Il s'agit donc d'une histoire très métaphorique, ce qui rend l'oeuvre accessible à tous. Les enfants pourront la lire sans problème, mais ne comprendront pas le fond aussi bien qu'un lecteur plus âgé, cependant le livre constituera une bonne approche quant à la définition d'un régime totalitaire. Celle de Carl Friedrich est en effet totalement respectée : on a l'idéologie officielle incontestable => l'Animalisme ; le parti unique => les cochons ; le chef charismatique idolâtré => le cochon nommé Napoléon ; le monopole des moyens de communication => la propagande exercée par Brille-Babil le cochon ; le contrôle de l'économie => objectifs tels que construire un moulin, comparables aux plans quinquennaux d'Hitler. L'exercice de la Terreur, quant à lui, est formidablement mis en oeuvre par les chiens de Napoléon (comparables aux milices fascistes qui font de plus en plus de nostalgiques, allez savoir pourquoi).
On note même la présence d'une instrumentalisation de la peur et de la haine pour canaliser la violence du Peuple et les problèmes qu'il subit ; un des personnages, honni de tous, dont la nature est avilie par l'oligarchie, est comparable aux loups pendant le Moyen-Âge (présentés par l'Eglise comme des copies sataniques du chien pour diriger le peuple contre eux et ainsi en faire des boucs émissaires masquant les réels problèmes de la société, même chose pour le personnage Emmanuel Goldstein de 1984). Voilà où réside l'aspect politico-artistique de l'oeuvre.
La vocation d'Orwell est donc parfaitement retranscrite à travers La ferme des animaux, qui n'est cependant pas comparable à 1984 de par sa pauvreté (150 pages et une grosse police, c'est vraiment un tout petit livre, un conte comme dit plus haut). Il traite un seul sujet : la montée d'une oligarchie totalitariste au pouvoir, et ce sujet est absolument bien traité.
A mettre entre toutes les mains, même si ceux qui recherchent quelque chose de consistant devraient plutôt se tourner vers 1984, ou sur d'autres écrits d'Orwell. Sur n'importe quoi d'autre, en fait, s'ils ne veulent pas rester sur leur faim en bouclant le livre (il m'aura fallu trois jours pour le faire en lisant peu, c'est dire).