Inspiré par le discours d'un proche, des animaux se révoltent et prennent possession d'une ferme dont ils étaient esclaves. Portés par la promesse de jours meilleurs, ils tentent d'élaborer une société idéale dont la réalité sera toute autre.

Avant toute chose, il faut se remettre dans le contexte de parution de cette oeuvre. En 1945, l'Union Soviétique de Staline jouit d'un certain prestige et son influence est indiscutable. Les satellites du parti, en France et en Italie notamment, sont très populaires. En conséquence, les méfaits et pratiques du régime du petit père des peuples sont méconnues.

Par la métaphore du monde animal, Orwell ose retracer l'histoire de ce système tout en en faisant une critique brillante et étendue.

La plume est fluide et sans lourdeur. Le cheminement du récit est réglé comme du papier à musique et retient sans encombres le lecteur. Le début de l'oeuvre comporte son lot de drôleries avec des bêtes attachantes qui apprennent l'alphabet, s'essayent à des instruments humains et tentent de se coordonner.

Une occasion pour Orwell de montrer les difficultés d'établir une structure commune lorsque les profils et les points de vue sont différents. Démocratie ou pas, il y a toujours celui qui ne veut pas s'en mêler, celui qui s'implique pour une cause commune ou personnelle, et enfin celui qui se contente d'écouter et de suivre. Le romancier fustige aussi la sensibilité des masses, souvent plus réceptives à l'esthétique d'un discours qu'à sa cohérence.

Après ce prologue bon enfant et cordial, La ferme des animaux bascule dans la noirceur la plus totale. Petit à petit, le bétail devient ce qu'il a cherché à combattre. Une transformation soutenue par de nombreux rebondissements poignants et palpitants. L'animalisme se rapproche de plus en plus du stalinisme. Tous les thèmes qui lui sont chers, sont abordés avec une précision chirurgicale : collectivisation, échec de l'auto-suffisance, guerres, primauté de la défense, hiérarchie du pouvoir, complots, résurgence de individualisme, inégalités, rejet de la religion, culte sociétal et répression expéditive.

L'auteur n'est pas dans une dictée ennuyeuse, il est dans une démonstration réfléchie et fascinante. Par une série d'événements, il explique qu'une propagande est réussie lorsque les traîtres cèdent à la culpabilité et se dénoncent eux-même. Il prouve que c'est un outil efficace pour détourner et faire accepter aux asservis leur propre misère. Il démontre qu'avant de rajouter un mensonge, il faut justifier la destruction du précèdent. Ou que dans une telle configuration, le meilleur moyen de masquer une erreur de communication est de la rendre volontaire.

Voilà pour la toile de fond de l'écrivain, à laquelle il est possible de donner une lecture plus profonde encore. En prenant des créatures au départ innocentes et opprimées, Orwell assène un coup de massue à tous les idéalistes.

Elles traduisent une philosophie cruellement lucide : il n'y a pas de modèle parfait. L'idéologie manichéenne est fausse. Il n'y a ni bon ni méchant en ce bas monde. Un pouvoir, si il est suffisamment grand, peut corrompre n'importe qui. Un être vivant, même solidaire, reste immanquablement tourné sur lui-même.

Une fable magistrale et novatrice où des cochons se prennent le bec pour être le coq. Voulant régner en maîtres, ils oublient comme leurs sujets une chose importante.

Ils seront toujours l'âne de quelqu'un.
JulianDesjardin
9
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le 25 sept. 2013

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le 25 sept. 2013

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