Un trailer brûle en soixantes secondes

La fille raconte l'histoire de Rory Dawn Hendrix, une gamine intelligente, esseulée, bousillée par la vie et l'héritage familial. Rory puise sa force dans Le Manuel de la parfaite scoute, l'analyse sociale des gens qui l'entourent dans la Calle de las Flores, dans l'attention aux détails, le soutien à sa mère, paumée, sa naïveté, ses frères absents, l'école.

Rory grandit au milieu de la drogue et des vols, de la déchéance financière, alimentaire et culturelle.
La construction absolument brillante de l'écriture du roman nous permet de grandir avec elle, de s'étonner, d'avoir peur, nous réduisant au fil des chapitres à avoir le même âge qu'elle (de cinq à quinze ans), les mêmes questionnements, les mêmes surprises.

L'histoire, narrée par Rory, ponctuée de la lecture des rapports de l'assistante sociale sur sa mère Johanna, de divagations enfantines, où se distillent également des indices sur l'Amérique blanche trash des années 70, se déroule avec un lyrisme déconcertant. Les événements graves s'enchaînent et la voix de l'adolescence contraste furieusement avec leur horreur.

La fille s'y distingue comme un personnage tenace, courageux, et porteur d'espoir tant sa fragilité est apparente. En refusant de réussir le concours d'orthographe, elle refuse de lâcher les siens et devient l'un des personnages les plus bouleversants sur lesquels il m'ait été donné de lire.

Entre voyage initiatique et pamphlet social, on retrouve dans ce roman des fous rires, de la tendresse, beaucoup d'angoisse et un peu de Salinger. Page après page, l'histoire se dévore, inlâchable, pour vous amener vers le destin de Rory, destin qui jusqu'à la dernière seconde, la dernière phrase, sera une énigme dans nos cerveaux.

Un roman à connaître, étonnant, triste et sublime, comme je n'en avais pas lu depuis bien longtemps.