Je peine à trouver un peu d'intérêt à cette œuvre.
Ce qui aurait pu faire son intérêt est à peine effleuré. Les personnages n’ont aucune dimension, les dialogues sont pauvres.
La relation père-fille et la place et le statut de l’écriture dans cette relation, la vieillesse d’un auteur, son sentiment face aux nouveaux arrivants, le monde de l’édition et des prix littéraires, tout cela reste survolé superficiellement. L'ambiguïté de la vocation d’écrivain, à double tranchant – écran responsable d’un éloignement entre l’écrivain et les membres de sa famille, l’écriture devient finalement source de réconciliation à travers la production d’un roman à clef pour vengeance ("bouquin de circonstance" dont la nature de “basse entreprise” est par ailleurs lucidement dénigrée par l’académicien, ce qui encourage une réflexion sur ce qu'est une œuvre d'art, de littérature) – n’est pas suffisamment exploitée.
La relation quasi incestueuse entre le père et la fille, substitut de l’épouse disparue, laisse une impression de gêne à cause de la légèreté de son traitement, ou à travers par exemple l’indiscrétion ou l’imagination du père vis-à-vis de la vie sexuelle de sa fille. Notons que Boisier, suite au succès du bouquin pondu contre l’ex-amant de sa fille, envisage d’en écrire la suite, laquelle “relaterait l’histoire d’une jeune veuve qui, délivrée des liens pervers de la sexualité, trouverait son bonheur dans la fréquentation d’un homme de génie ayant le double de son âge”, ce qui laisse transparaître un fantasme personnel qui ne se cache plus. D’ailleurs, suite à la mort de l’académicien, Sandy, consciente d’être devenue “inutile, comme fille, comme femme et plus simplement comme être humain” se fait, à moins de cinquante ans, Vestale entretenant la mémoire de son feu Prométhée de papa. Mais l’inspiration mythologique qui semble vouloir travailler le texte est en fait réduite à peau de chagrin.
Les généralités au sujet des femmes sont pour la plupart cliché et lourdes. Le fait de souligner l’écart d’âge entre Sandy, quarante-huit ans, et son amant, quarante-deux (énorme, mais on imagine que l'anomalie c’est surtout que ce soit elle la vieille), si elle ne participait pas également à dessiner un père jaloux et chouineur, n’en serait que risible.
J’avoue que je me demande si un tel portrait du père aura été proposé avec une innocente bonne foi, pour toute la pitié qu’il aurait pu inspirer. Si la situation de vieil auteur se sentant abandonné, par le monde du lectorat et par sa fille, est objectivement émouvante, elle est ici mal déployée, mal incarnée, et n’a suscité que peu d’adhésion chez moi.
L’écriture de La Fille de l'écrivain est une leçon pour bien écrire mal : elle est académique, correcte, et sans style, ennuyeuse, enchaînant les généralités et les imprécisions, et fréquentée à la fois par des formulations gentiment désuètes et des tournures plus familières, comme si l’auteur employait certaines expressions pour rajeunir son texte, ce qui produit un effet maladroit, l’impression d’avoir affaire à des tentatives de bonds légers empêchés par un costume trop raide. Et l’abondance injustifiée de points d’exclamation contribue à cette impression d’effort désespéré et balourd.
Il en résulte un roman dépourvu de matière, inhabité, qui ne remue rien, et dont on tire difficilement quoi que ce soit de plus qu’un scénario de téléfilm pour après-midi destiné aux ménagères. Dès le début, devant le manque d’épaisseur des personnages, j’ai cru qu’il fallait le prendre comme un récit en toute ironie, mais cela même aurait été raté et déplaisant à lire. J’ai peut-être fait l’erreur de m’attendre à un roman mieux développé, mieux creusé, plutôt qu’à un “simple récit”. Tout ce que m’inspire cette œuvre, c’est une vague sincère tristesse quand j’y pense comme à une sorte de réelle lamentation de la part de l’auteur à travers son personnage.
Je mets 2/10 pour les thèmes intéressants qu’il aborde tout de même. Note susceptible d’être changée comme toutes mes notes.