La proie est ferrée. Je parle du naïf lecteur-consommateur qui se sera laissé prendre au bandeau rouge qui enserre la couverture d'un best seller, et où est écrit un truc du genre " le nouveau phénomème du thriller mondial / tellement génial que Spielberg en a acheté les droits". Sûr de mon coup, j'ai acheté mon exemplaire pour l'offrir à ma soeur, qui est resté bien vague sur le côté génial quelques mois plus tard quand je lui ai demandé son verdict. Bien plus tard encore j'ai pu récupérer l'exemplaire et... je confirme.
Moi qui passe beaucoup de temps dans les trains je trouvais le point de départ brillant : c'est vrai qu'en tant que passager je suis amené à observer les maisons le long des voies ferroviaires. Pas que cela soit intentionnel ou réfléchi mais je pourrais bien broder des histoires sur des endroits devenus familiers à force d'y passer quotidiennement.
Ce roman me laisse finalement perplexe. Ce n'est pas mauvais loin de là mais si j'ai bien aimé le début et le dénouement, j'ai vraiment eu le sentiment d'avoir traversé un long tunnel intermédiaire. Il y a eu quelques fulgurances dans l'intervalle mais cet entre-deux est je trouve très confus et mou.
Ça commençait bien comme je le disais puisqu'on avance dans l'intrigue par le prisme des points de vue de trois femmes qui vont se croiser ou qui observeront les autres. La première à intervenir sera (de loin) le témoin principal et je n'ai pas trouvé qu'elle était particulièrement passionnante puisque son quotidien d'alcoolique semi amnésique et mythomane devient assez lassant sur la durée. Deuxième point, on sent que l'auteur avait un pitch de départ accrocheur mais que bien vite elle abuse d'artifices trop visibles pour complexifier et étirer le mystère : le premier tiers du roman est chronologiquement éclaté, la narratrice principale doit reconstituer les évenements a posteriori puisque sa dépendance entraîne des trous de mémoire bien pratiques. Troisièmement, le crime proprement dit intervient bien tardivement. L'auteur nous brosse bien avant des personnages tous liés de près ou de loin, et détaille leurs interactions sordides sans que l'on comprenne bien ce qui est important ou pas pour Le Grand Mystère à venir. Ça se veut une approche très psychologique comme l'excellent "Les apparences" mais ici le résultat est clairement moins abouti. A part l'héroine Rachel qui est bien développée, et qui prend la parole les trois quarts du temps, aucun personnage n'est très consistant. J'ai d'ailleurs mis longtemps à différencier les voix des deux autres intervenantes à tel point que je n'ai que rarement réussi à me rappeler leurs prénoms. Même problème avec les hommes du roman. Tout le monde à un prénom très commun voir oubliable. Peu de traits physiques ou de descriptions marquantes pour compenser. A croire que chaque personnage n'incarne qu'une personnalité, un vice ou une attitude. Quand l'intrigue, à la base accrocheuse, s'étire et se trouve alambiquée à l'envi, le lecteur doit faire beaucoup d'efforts pour se raccrocher aux wagons d'une énigme pas si épaisse que ça en fin de compte.
Et pourtant le dénouement est agréable à lire et surprenant dans la mesure où je ne l'avais pas vu venir. De là à dire que j'avais arrêté de chercher dans l'amoncellement de fausses pistes.
Très étonnant ce roman je trouve puisqu'on y trouve le pire et le meilleur du genre. Et dans le pire je citerais les personnages très creux et stéréotypés d'ou une note à peine supérieure à la moyenne pour cette impression de s'être fait avoir par l'éditeur.