C'est entendu, dans La fille qu'on appelle, le style de Tanguy Viel est toujours aussi délectable, l'un des plus brillants de la littérature française contemporaine, au côté d'Echenoz, par exemple. Cette fois, l'auteur colle à l'air du temps avec un argument post #MeToo qui étonne un peu de sa part, homme des intrigues construites comme des mécaniques de précision à partir de situations d'une absurde logique. Ici, il est un peu prisonnier de son sujet qui l'oblige à un certain réalisme qui ne lui est pas si naturel. En conséquence, ses personnages déçoivent par leur limpidité : le maire d'une petite ville bretonne (Saint-Malo ? Concarneau ?), imbu de son pouvoir, une jeune ingénue piégée, le père de cette dernière, boxeur sur le retour, etc. Autant de protagonistes presque caricaturaux, bien que le caractère de l'héroïne soit finalement un peu flou. L'emprise et l'abus de pouvoir sont les sujets du livre qui explore plutôt bien les zones grises de la relation entre la jeune femme et l'homme de pouvoir mais il y a un côté presque forcé (et daté ?) dans la description du système mis en place par l'édile local et proche de ceux évoqués dans certains films de Boisset ou de Chabrol. La fantaisie et l'humour ne sont pas complètement absents de La fille qu'on appelle mais plus en retrait que d'habitude chez un romancier qui est bien meilleur quand il traite de sujets sociaux avec plus de légèreté et d'originalité, ce qui était impossible ici, au regard du dramatique thème principal.