Tanguy Viel, La fille qu'on appelle, Les Editions de minuit
Un petit bijou. L'intrigue est simple, elle peut en rappeler d'autres. Max Le Corre est le chauffeur du maire de la ville. C'est un ancien boxeur qui a eu localement son heure de gloire. Il était une vedette du ring, il est désormais l'obligé du maire qui lui assure un emploi. Max a une fille qui, après avoir quitté la région pour faire mannequin, y revient vivre à l'âge de vingt ans. Elle recherche un logement, en parle à son père qui sollicite le maire. Celui-ci reçoit la fille et lui propose même un boulot dans le casino local que tient Franck Bellec, homme à tout faire, un peu mac, un peu banquier occulte de l'élu local. Elle est logée et embauchée. Le maire qui a trente ans de plus que la petite couche avec elle. Elle se dit sans doute que c'est dans l'ordre des choses, que quand vous êtres jeune et jolie et que vous demandez service à un puissant, le puissant a un droit de cuissage. Puis, un jour, elle va porter plainte pour viol. Les policiers l'interrogent avec ménagement, mais sont un peu sceptiques, il y eût tant de rencontres, tant de coucheries, tant de textos échangés, et même des félicitations adressées au maire quand il fut nommé ministre...
Le sujet du livre est davantage, me semble-t-il, celui des violences ou des résignations sociales muettes et de l'abus de pouvoir qui se dissout dans sa propre perpétuation, que celui de l'emprise, au sens où on l'entend aujourd'hui.
La pureté du style, sa beauté sage et glaçante, une extrême sensibilité aux douleurs tues et le portait de Laura, « la fille qu'on appelle », la call-girl au sens propre, donnent au récit une intensité vertigineuse. C'est très fort. Et très beau. Tous les ministres, présents, passés et futurs devraient le lire.