Les galériens.
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Cette citation, relevée à de multiples reprises par l’auteur lors de ses entretiens avec des paysans, résume bien la singularité de la classe paysanne d’avant les années 1970 : le paysan naissait et il le demeurait, point. Pour Mendras cette classe millénaire, unique était sur le point de changer pour s’intégrer peu à peu dans les logiques économiques de l’industrie, et plus généralement, « de la ville ».
Etant moi-même un rural – ou « rurbain » je ne sais pas – j’ai toujours été intéressé par le monde rural et ses habitants, celui que mes parents ont vécu lors de leur jeunesse dans les années 1970. Dans cet ouvrage paru en 1967, on retrouve exactement le monde rural tel qu’ils ont eu l’occasion de me le raconter : les derniers soubresauts d’une ruralité faite de petites bourgades commerçantes, regroupant les habitants des hameaux aux alentours les jours de foires et de célébrations. Bref, une campagne dynamique où la sociabilité était forte. A cette époque, cet espace rural, longtemps structuré autour de sa paroisse et de ses paysans, était en train de changer.
En effet, à partir des années 1950 – et c’est la thèse de Mendras – la mentalité des paysans et leur importance dans le monde rural change : le paysan traditionnel disparaît pour laisser place à l’agriculteur moderne obéissant aux règles du marché, se calquant alors sur le modèle de production industriel : impératif de rentabilité, production de masse via la spécialisation, etc. Ce changement de mentalité, Mendras l’explique par un rapport nouveau entre le paysan et l’innovation. Jusque-là perçue comme dangereuse, risquée, les progrès de la motorisation et les subventions de l’Etat vont amener les plus « gros » à s’équiper de machines agricoles, ce qui, par processus d’imitation, va encourager les « moins gros » voire les « petits » à s’équiper, malgré les contraintes économiques, les faillites que cela a pu engendrer.
Cette attitude nouvelle face à l’innovation brouille les repères d’une classe paysanne jusque-là à part, avec sa propre temporalité (ne connaissant pas la pression horaire de l’ouvrier et son rapport unique au travail (l’unité famille-exploitation, l’absence de patron, etc.) Par la même occasion, la terre, socle de base d’une civilisation millénaire perd de sa valeur symbolique et devient un sol productif, plus ou moins rentable. Le « bon agriculteur », ce n’est plus celui qui travaillait d’arrache-pied pour nourrir tant bien que mal les siens, mais plutôt le « gros » qui a des résultats quantitatifs et de la compétence novatrice (utilisation d’engrais, attentif à la conjoncture, qui lit les magazines agricoles, va aux réunions…).
Bientôt cinquante ans après la parution de l’ouvrage, on peut affirmer que Mendras voyait juste quant à l’imminente « fin des paysans » : le nombre d’agriculteur dans les villages ruraux a diminué, les larges exploitations englobant les plus petites, au point que le rural n’est plus synonyme avec l’agricole. Avec la diffusion de l’automobile, les bourgades se sont dépeuplés de leurs petits agriculteurs partis en ville, et se repeuplent d’urbains en manque de campagne : les ruraux ne sont plus des agriculteurs. De même, les progrès dans les moyens de transports ont atténué la fracture sociale et spatiale entre la vie urbaine et la vie rurale, de sorte que les modes de vies entre un urbain et un rural sont aujourd’hui les mêmes. Urbain ou rural, comme je le disais au début, je ne le sais pas.
En définitive, un ouvrage en avance sur son temps (1967), perçue comme une bombe à sa sortie : « Mais comment les paysans pourraient-ils disparaitre ? ». Or, on peut constater qu'aujourd’hui la « classe paysanne » que Mendras isole des autres classes sociales, au début du livre, a disparue.
Créée
le 28 mai 2015
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