Je dois avouer que, quand on ne connaît de Murakami que ses enchanteresses histoires d'amour teintées de fantastique, "la Fin des Temps" est un choc... et d'abord une semi déception jusqu'à ce que... Mais commençons d'abord par expliquer où se promène cette fois Murakami : entre Kafka (absurde d'un monde incompréhensible au sein duquel se promène un héros-victime sans rébellion contre la machine qui le broie) et Philip K. Dick (monde-cerveau et basculement de réalités) ? entre sci-fi teintée d'heroic fantasy (le monde des ténèbres et ses monstres grouillants, la cité entourée de murailles parfaites et ses licornes) et prospective scientifique "sérieuse" (l'impact des nouvelles formes de communication, de l'informatique, sur notre pensée, voire notre cerveau lui-même, et pour finir notre réalité) ? Entre comédie grinçante (c'est le livre de Murakami qui m'a fait le plus rire, ou au moins sourire...) et poésie sublime (là où Murakami excelle, dans la description bouleversante de détails anodins de la vie quotidienne? Oui, oui, et avec des accents "godardiens" (on peut penser à "Alphaville") et "dylaniens" (la musique comme salvation du monde, ou au moins de quelques précieux instants de (sur)vie, ou mieux encore comme ultime moyen de ne pas perdre son cœur...). Si "la Fin des Temps" n'est pas toujours intense, c'est que la partie "Fin du Monde", volontairement sans aucun doute, est trop désincarnée pour ne pas être affreusement ennuyeuse. Ce qui sauve, enfin, "la Fin des Temps", ce sont ses 50 dernières pages, pleines donc de cette poésie aussi tranquille, minutieuse que désespérée, qui est la marque de fabrique, unique, de ce grand écrivain paradoxal et foisonnant qu'est Murakami.
[Critique écrite en 2009]