La grâce - je n'ai rien trouvé de mieux :-)

Voici un livre profond et sincère dont on suit pas à pas l’élaboration après un projet avorté d’étude sur la mystérieuse disparition de Dupont de Ligonnès et l’histoire de l’oncle de l’auteur, franciscain dont la vie renvoie à celle de Saint François et de sa communauté.
L’auteur se cherche à travers ces images évoquant la complexité de la foi.
Ou plutôt non, il s’est trouvé.
Après une jeunesse dorée, élevé dans une ancienne famille noble ayant des valeurs et dispensant une éducation religieuse assez creuse, traditionnelle, à ses rejetons, Thibault de Montaigu « profite » d’une époque matérialiste où le divertissement a remplacé l’Etre. Il est semblable à beaucoup de jeunes, fêtard, superficiel, jouissant d’une liberté sexuelle sans trop de limites. Sauf qu’en plus il se targue d’écrire. Des études impertinentes sur la sexualité des prêtres, un « Voyage autour de mon sexe » assez remarqué et il enquête donc pour écrire sur cet homme qui le fascine et où il voit son alter ego : Ligonnès, catholique traditionnel ayant perdu la foi et tuant toute sa famille à laquelle il ne peut avouer ses échecs.
Seulement, au début de ce livre, Montaigu est confronté à la vacuité de sa vie comme beaucoup de ses contemporains. Un grand vide qui le conduit à une dépression.
Et dans la lignée de Claudel ou de Verlaine, c’est la découverte du Sens qui le sauvera. Il l’évoque avec pudeur. L’enquête sur Ligonnès l’a conduit dans un monastère où il vit une révélation : « Dieu était là, à l’intérieur de moi et derrière toute chose. Ici et nulle part à la fois, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand, immergé dans l’univers et l’univers immergé en lui… »
Cette grâce qui lui est donnée coïncide avec la mort de son oncle Christian dont l’histoire de la vie va remplacer le projet sur Ligonnès. Cet oncle à la vie tumultueuse, travaillant dans la mode, marionnette guidée par ses désirs, voire ses perversions, chasseur de jeunes hommes dans les pissotières qu’il consomme comme des bonbons parfois amers, ce produit d’une époque sans retenue ni honneur, et bien, il se convertit brutalement et rentre, lui le favorisé, dans l’Ordre le plus humble, le plus éloigné des jouissances matérielles : celui de Saint François d’Assise.
Alternant le parcours de Christian et celui du Saint, la vie de Montaigu - et là se trouve le petit miracle- s’efface, s’humilie devant les deux autres humiliés volontaires, l’abandon de l’ego étant, on le sent confusément, le plus magnifique effort et la plus belle réussite de ce livre. Réussite qui tient aussi à la sincérité de ce parcours qui ne cache rien des déceptions, des doutes, comme quand l'auteur se retrouve dans un pèlerinage à Medjugorje en Bosnie, haut lieu des bondieuseries et de la superstition comme tous ceux que les marchands du temple ont réinvesti, du Mont Saint Michel à Lourdes...
Un livre à lire pour échapper aux préjugés sur la foi de ceux qui ne l’ont pas. Pour comprendre combien des hommes admirables oeuvrent avec abnégation au quotidien pour vivre le message du Christ en apportant un peu de réconfort à une société qui L’a renié. Mais la charité est la vertu théologale la plus facile à vivre. Ceux qui feront l’effort d’aller à la rencontre de Montaigu seront récompensés par de magnifiques pages sur l’Espérance :
« Si j’ai appris quelque chose depuis que j’ai entrepris ce chemin spirituel, c’est qu’il existe des vérités qui se situent au-delà de la raison. Des vérités qu’on ne peut saisir qu’avec le cœur – ou l’intuition, si l’on préfère. Rien ne justifie, du point de vue de l’évolution, de donner l’aumône à un clochard, et pourtant… Rien ne justifie le sacrifice de sa vie pour sauver celles d’innocents, et pourtant…. Rien ne justifie l’extase que l’on ressent devant un coucher de soleil ; ou à l’écoute d’un nocturne de Chopin, ni les règles fondamentales de la physique qui préexistent à l’univers, car il aurait suffi d’une infime variation de celles-ci pour que notre monde n’existât point. Et pourtant… La charité, l’amour, la beauté, l’harmonie universelle, autant de miracles qui chaque jour, à chaque heure se reproduisent, et demeurent ignorés. Et parmi ces miracles, le plus grand de tous peut-être, la grâce. Cette possibilité inouïe d’un contact charnel avec Dieu. » ( p. 154, Plon)

jaklin
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le 25 févr. 2021

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