J’ai eu un gros doute sur la première partie car ça ressemblait furieusement à un récit autobiographiques mâtiné de formules péremptoires sur ce qu'est un souvenir et de l'image de sensations rassemblées qu’on en a des années plus tard. Comme du nouveau roman, mais j’avoue que ça m'ennuie un peu, c’est devenu assez convenu cette manière de s’attacher à un fait lapidaire (annoncé en première phrase du bouquin) et de tourner autour pour lui donner de l’épaisseur, le contextualiser sous plein de détails ennuyeux (les plans de la maison, le temps qu’il faisait ce jour là…).
Et puis ensuite on s’échappe du récit auto centré, vers quelque chose de plus général, de l’année 52 et du train de vie typique d’une petite fille de 12 ans, entre son école catholique, l’épicerie café de ses parents, les week-ends d’échappée, et tout le décorum d'une petite ville de Normandie. Annie Ernaux raconte ses douze ans mais surtout la France d’après Guerre, son atmosphère, sa sociabilité et ses marottes.
Les dernières pages développent enfin l’expérience de la Honte avec son H majuscule, et je me suis sentie étrangement proche de cette petite, qui cerne avec acuité le jour où la brèche est brusquement apparue, et où son regard a analysé tout ce qui a suivi à l'ombre de L'événement. La première expérience existentielle d'une enfant qui se retrouve propulsée témoin du monde des adultes. Et qui a était conditionnée depuis son enfance à ressentir un jour ou l'autre la honte (mais qu’est ce qu’on va dire de nous ?).