(critique basée sur la version originale du livre et ne prenant donc pas en compte la qualité de la traduction française)
La Huitième Fille est le troisième livre de la série du Disque-Monde, mais il peut être lu indépendamment sans problème.
Un puissant sorcier mourant rend visite à une famille rurale pour passer le flambeau. En effet, cette famille est sur le point d'avoir son huitième fils et le père étant lui-même un huitième fils, un tel enfant ne peut qu'être un brillant magicien. Telle une horloge bien réglée, le magicien meurt juste au moment où l'enfant naît. Le seul problème ? Eskarina, l'enfant, est une fille ! Et on n'a jamais vu de sorcier fille. En grandissant, Eskarina est élevée en partie par Mémé Ciredutemps, la bienveillante sorcière locale (et attention, l'art des socières n'a rien en commun avec celui des sorciers). Lorsqu'il devient évident qu'on ne peut plus faire semblant d'ignorer les pouvoirs d'Eskarina, elles se lancent toutes deux dans un voyage à destination de l'Université Invisible, dans le but d'y faire admettre Esk en tant que première fille à étudier la magie.
Contrairement aux deux premiers volumes qui se lisent comme un recueil de nouvelles maladroitement collées les unes aux autres, Terry Pratchett propose ici un récit complet et cohérent. Et c'est même un très bon récit. C'est vrai, l'intrigue s'essouffle un peu au milieu, mais le prologue et le séjour d'Esk chez Mémé Ciredutemps sont parfaitement rythmés, tandis que le dernier tiers (que je ne spoilerai pas) est tout à fait palpitant, même s'il n'est pas entièrement dépourvu d'incohérences et de raccourcis. Eskarina est en théorie le personnage central. Par conséquent, Equal Rites peut se lire comme un roman pour ados, mais Mémé est sans conteste celle qui captivera le plus l'attention du lecteur adulte.
Le ton est également quelque peu différent cette fois-ci. L'humour occupe toujours une place centrale et il est tout aussi réussi que dans les livres précédents, mais il est cette fois un peu plus bienveillant. La Huitième Couleur et Le Huitième Sortilège étaient pleins de blagues basées sur les défauts épouvantables de leurs protagonistes. C'est beaucoup moins le cas ici, tout simplement parce qu'il y a peu de protagonistes de ce genre parcourant les pages du livre.
La Huitième Fille est peut-être d'abord une comédie fantastique légère, mais comme son original titre l'indique (Equal Rites, jus de mots sur les rites et l'égalité des droits), c'est aussi un livre très féministe. Il remet en question la notion selon laquelle certaines professions devraient être réservées aux hommes (ce n'est pas encore une évidence pour tout le monde en 2024 et ça l'était encore moins lors de sa première publication en 1987). De plus, il souligne un point encore plus important, à savoir que les professions traditionnellement réservées aux femmes (représentées ici par le métier de sorcière) sont sous-valorisées et peu respectées.
En tant qu'épisode de la série du Disque-Monde, La Huitième Filler apporte de nombreuses pierres à l'édifice de son univers. Non seulement nous en apprenons plus sur les sorcières, mais nous pouvons également admirer la vie normale à l'Université Invisible (alors que Le Huitième Sortilège ne nous en avait donné qu'un aperçu en temps de crise) et nous en apprenons plus sur la nature des Dimensions du Donjon.
Dans l'ensemble, ce troisième volet donne une nouvelle direction à la série, tout en respectant le monde fascinant dont les fondations avaient été établies dans les volumes précédents. Il vaut la peine d'être lu, que ce soit comme point d'entrée ou comme continuation de la série, voire en tant que lecture indépendante.