Si je n’avais pas relu ce livre, j’aurai gardé à jamais à l’esprit des effluves de couleurs broyée, des traînées de poudres bleutées et une tension indescriptible entre un peintre et son modèle. Autant vous prévenir, si les effluves de couleurs et les traînées de poudres demeurent, mon regard sur la relation des personnages a pas mal évolué. Je vous passe tout le tintouin sur le fait que ce roman s’inspire du mystère qui entoure un chef d’œuvre de la peinture hollandaise. « La jeune fille à la perle », de Tracy Chevalier, raconte surtout l’histoire de Griet, jeune servante, qui fait son entrée dans l’âge adulte en franchissant le pallier de la famille Vermeer. Coeur simple et naïf, l’attention de son maître à son égard va faire naître chez elle l’orgueil d’être tenue en estime par un peintre dont elle admire le travail. Je me souviens avoir eu le sentiment, lors de ma première lecture, d’une relation qui prenait racine dans une sensibilité commune et un amour du travail bien fait. Mais à ma relecture, il semblerait que ces éléments soient passés au second plan. J’ai davantage eu l’impression que le lien entre les personnages était né de l’imaginaire de la jeune fille qui voit dans les silences et les regards de son maître un moyen de sortir de sa condition. Loin de moi l’idée que Griet puisse imaginer s’enfuir à cheval à ses côtés ; plutôt celle d’une relation fantasmée qui conforte cette servante dans sa propre sensibilité artistique et lui rend abstraitement possible l’accès à un autre milieu social, celui de l’art.