Pour son douzième Rougon-Macquart, Émile Zola ralentit le tempo de sa peinture naturaliste, à l'image d'Une page d'amour qui m'avait laissé un peu la même impression. Cette fois-ci, on est particulièrement loin du bruit et de la fureur du Second Empire, à part pour décrire l'atmosphère d'un coin reculé du pays et de la misère de ses campagnes. Pour La joie de vivre il y a unité de lieu dans la demeure de bourgeois de Bonneville, petite bourgade au pied des falaises grignotée petit à petit par la Manche et ses assauts incessants.
Pauline, orpheline des charcutiers Quenu des Halles présents dans Le ventre de Paris, est recueillie par ses cousins de Normandie. Sa joie de vivre naturelle reçue au début avec bienveillance va être progressivement exploitée par les Chanteau, famille gentiment détraquée, rongée par l'égoïsme et l'inconstance. Les caractères difficiles et hauts en couleurs sont si bien campés qu'on s'attache à ses membres, à la domestique, au médecin et au curé. Tout un petit monde étriqué dont la pauvre Pauline va rester malheureusement prisonnière.
Ce n'est pas le Zola le plus connu, loin de là, et je le comprends car il est globalement peu spectaculaire, mais il mérite d'être lu, ne serait-ce pour la scène de l'accouchement, un morceau marquant de littérature qui a probablement fait son petit effet à la sortie du roman en 1884.