Retour de lecture sur "La joueuse de go", roman publié en 2001 et écrit en français par Shan Sa, une auteure née à Pekin, qui s'est installée en France dix ans avant, à l'age de 18 ans. Le cadre de ce roman est très intéressant et original, puisque l'histoire commence en Mandchourie en 1937, lors de la guerre de quinze ans et de l'occupation de cette région, qui était encore indépendante par rapport à Pékin, par les troupes japonaises. Il se termine quelques années plus tard lorsque le Japon décide de conquérir, sans y arriver, le restant de la Chine. Le livre raconte deux histoires en parallèle qui finiront, sans surprise, par se télescoper. Dans la première, qui se passe à Xin Ying, la cité des mille-vents, une jeune fille de 16 ans défie les hommes au jeu de go. On la suit dans sa découverte de la vie, de l'amour et de l'amitié. Dans la deuxième histoire, qui se passe de l'autre côté de de la mer du Japon, à Tokyo, un jeune soldat de 24 ans, convaincu de la supériorité du peuple nippon, s'apprête à démarrer de manière concrète sa carrière militaire, à servir l'empereur, en étant muté en Mandchourie. Ce sont deux jeunes personnes, qui vont découvrir la vie d'adulte chacune dans un contexte totalement différent, un vécu différent, et des valeurs opposées et qui finiront finalement par se croiser, autour du jeu de go, pour ensuite être emportés par la grande histoire. C'est un livre très agréable à lire, très aéré. C'est un roman polyphonique, à chaque chapitre on change de narrateur, on alterne ainsi de l'un à l'autre des deux personnages principaux, jusqu'à ce que les deux histoires se rejoignent. Le roman est relativement court, avec des chapitres très courts eux aussi, qui s'enchaînent rapidement, on est dans un rythme très cinématographique. Dans ce contexte et choix de construction, le travail de la romancière est très efficace, tout est parfaitement dosé, l'enchaînement des chapitres est parfait et donne une très belle dynamique de lecture. Même si les personnages sont relativement bien définis, cohérents, leur psychologie est néanmoins réduite à leur strict minimum de par ce format de roman, mais cela semble être un choix assumé par l'auteure. L'écriture est très belle, très douce et poétique. C'est un des points forts de ce livre, ce qui est assez surprenant quand on sait que Shan Sa ne l'a pas écrit dans sa langue maternelle. Une histoire très romanesque, en grande partie assez bien construite, mais dont on peut regretter une certaine facilité dans le scénario final, le dénouement intervenant de manière beaucoup trop subite. On comprend mal le revirement sentimental de l'héroïne, et surtout on ne croit pas cinq minutes au hasard sur lequel cette fin est basée, elle apparaît donc comme bâclée. Cela gâche cette lecture, ce qui est bien dommage car il y avait de l'idée.
____________________________
"Une simple partie de go épuise la plupart des joueurs. Il leur faut manger et dormir pour retrouver leur état normal. Ma réaction est différente. Dès le début du jeu, mon esprit s'échauffe. La concentration me porte au paroxysme de l'excitation. La partie terminée, des heures durant, je ne sais comment évacuer la force accumulée au cours du jeu, je cherche un apaisement. En vain."