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Bonjour à tous,


Me voilà devant vous avec ce livre. Et pourquoi diable celui-ci ? À lire (ou à relire...) absolument pour mieux saisir les calculs et manipulations sordides de l'époque contemporaine.


Cela ne répond pas à ma question...
Euh... Certes. Bon, allons-y ! Vous êtes prêt ? Ok.


« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
Georges Bernanos


La Liberté, pour quoi faire ? et La France contre les robots furent écrits au sortir de la Seconde Guerre mondiale. George Bernanos y dénonce, dans une langue poétique et virulente, le chemin pris par la civilisation occidentale vers une soi-disant modernité où la finance devient reine, et le progrès rend les humains « imbéciles ». Ecrasés par des rouages absurdes, comment peuvent-ils encore défendre leur dignité, leur intégrité et leur liberté ?


La liberté... Quel plus beau mot que celui-ci non ? Mais qui en connaît le goût, et la saveur ? Trop peu...


La liberté est le grand idéal, le moteur de l’époque des Lumières : liberté de penser, de pratiquer la religion de son choix, d’exprimer publiquement ses opinions…


L’homme du XVIIIe siècle, l’homme de l’âge de la raison, lutte pour s’émanciper de la tutelle intellectuelle et spirituelle de l’Église catholique ; il veut pouvoir penser et agir par lui-même. L’humanité adulte ne veut plus qu’on lui dise quoi penser ni comment se comporter.


Pour la pensée contemporaine, héritière ou bien fille naturelle des Lumières, l’homme libre est celui qui se fixe ses propres fins et mène la vie qu’il entend mener, théoriquement hors de toute morale si ce n’est celle que, théoriquement, il se serait forgée.


De ce point de vue moderne, Jésus était-il libre au jardin des Oliviers, lorsqu’Il murmurait sa prière : « non pas ce que je veux mais ce que tu veux » (Matth. 26, 39), non pas ma volonté mais la tienne ? Du point de vue moderne, certainement pas. Et pourtant, libre, Il l’était. Suprêmement. Il faisait le plus bel et profond usage que l’on puisse faire de notre liberté....


Mais, je m' égare. Excusez moi ! Milles excuses, jeunes ( ou moins jeuenes ) gens !


Il y a tout juste un demi-siècle, le 28 juin 1945, Georges Bernanos


revenait en France, après huit années d'exil volontaire en Amérique du Sud ­ et à la demande personnelle du général de Gaulle" D'emblée, il décline toute invite politique ou académique, pour garder le droit de dire non à l'imposture ambiante. Ce nouveau combat passe notamment par une série de conférences données en 1946 et 1947 (et qu'Albert Béguin réunira après la mort de l'écrivain en reprenant le titre de l'une d'elles, emprunté à Lénine: La liberté, pour quoi faire?). Bernanos y cultive plus que jamais sa double légende de marginal et de visionnaire, se dérobant à tout discours normatif comme à tout nombrilisme stérile; il n'est pas un de ses pairs qui ne prenne un coup de griffe, de Claudel à Maurois et surtout à Mauriac, frère ennemi en qui il ne veut voir qu'un ordonnateur officiel du désespoir: «Je ne rends nullement responsable M. Mauriac d'une espèce d'escroquerie universelle à l'espérance, dont mon célèbre confrère serait plutôt victime lui-même; je reconnais volontiers qu'il est plein de bonnes intentions, il déborde de bonnes intentions, il ne demande pas mieux que de partager tout ce qu'il a. Le malheur est qu'il n'a guère que des inquiétudes. Il offre donc, chaque jour, dans le Figaro, ses inquiétudes à tout le monde.»


Plus sérieusement, Bernanos s'en prend à la langue de bois dominante ­ qui voudrait faire passer le nazisme pour une monstrueuse parenthèse dans le cours paisible des démocraties, et remettre en place, comme si de rien n'était, un personnel politique qui a joué sournoisement le jeu de Hitler. Entre le libéralisme et le totalitarisme, il prétend démasquer une complicité essentielle, qui rend la paix de 1945 aussi fallacieuse que celle de 1938, parce qu'elle repose sur une même négation de la personne, une même soumission aux exigences omniprésentes de la technique; dans ce contexte, la guerre ne lui apparaît que comme un inévitable retour du refoulé, une revanche perverse de l'individu au sein d'un monde surdéterminé et standardisé. Dans les crimes de l'homme moderne, il voit moins le retour à la barbarie qu'une sorte d'hypertrophie de la rationalité, dont les intellectuels seraient responsables au premier chef. C'est ici qu'apparaît l'ambiguïté d'un propos qui, tout en s'inscrivant dans une tradition humaniste et républicaine, remet en cause les dérives normalisatrices de l'idéologie égalitaire, et leur oppose une véritable mystique de la grandeur française ­ comme seul rempart contre l'indifférenciation grandissante des valeurs" Mais c'est d'abord en romancier que s'exprime Bernanos, en romancier chrétien qui, par-delà toutes les déformations que lui inflige l'histoire, s'attache désespérément à reconstituer l'intégrité de la figure humaine; plus que par l'incantation politique, où les vues prémonitoires alternent avec des schémas d'un autre âge, c'est par une intuition poétique plus subtile qu'il parvient à atteindre les ressorts intimes de l'aliénation contemporaine: «La mécanisation du monde ­ on pourrait dire sa totalitarisation, c'est la même chose ­ répond à un voeu de l'homme moderne, un voeu secret, inavouable, un voeu de démission, de renoncement. Les machines se sont multipliées dans le monde à proportion que l'homme se renonçait lui-même, et il s'est comme renoncé en elles. L'histoire dira, tôt ou tard ("), que la machinerie a moins transformé la planète que le maître de la planète. L'homme a fait la machine, et la machine s'est faite homme, par une espèce d'inversion démoniaque du mystère de l'Incarnation"»


On voit ainsi se poursuivre la réflexion sur le mal que développait l'auteur de Monsieur Ouine" et à laquelle fait écho, dans l'ultime et très belle causerie intitulée «Nos amis les saints», une définition de la liberté où toutes les contradictions apparentes de l'écrivain ­ et toutes les convictions de ses lecteurs ­ peuvent trouver leur synthèse. Ironisant sur les vers de Voltaire où le monde est comparé à une horlogerie, Bernanos en arrive à réconcilier la connaissance et l'inconnaissable, à réhabiliter le mystère, l'aléatoire, comme les principes mêmes de la responsabilité et du libre arbitre: «Il n'y a rien de moins libre qu'une horloge, puisque tous les engrenages s'y trouvent dans la plus étroite dépendance les uns des autres. Vous me répondrez probablement que l'univers physique offre assez l'exemple d'une mécanique de précision? Mais êtes-vous certains de ne pas prendre le signe pour la chose, comme un être d'une intelligence absolument différente de la nôtre, ignorant tout du langage et de l'écriture, s'extasierait sur le rythme des voix, la symétrie d'une page d'imprimerie, s'efforcerait de dégager les lois de l'une et de l'autre, sans rien savoir de l'essentiel ­ de cela qui seul importe ­, la pensée, la pensée toujours vivante et libre sous la contrainte apparente des caractères ou des sons qui l'expriment. Si la Vie était la pensée libre de ce monde en apparence déterminé?» Là encore, c'est bien au créateur de fictions romanesques que revient secrètement le dernier mot.


" La menace qui pèse sur le monde est celle d'une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle qui ferait, tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre, qu'importe ! de l'homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité tout entière, et dont l'existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d'un mammouth sur les bords du Lac Léman. Ne croyez pas qu'en parlant ainsi je fasse seulement allusion au communisme. Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l'hitlérisme, que le monde moderne n'en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semble aspirer les démocraties elles-mêmes. " Pas mal non ?


Sur ce, portez vous bien. Tcho. Lisez, jusqu'à être aveugle définitivement ! Oui ! Allons, jusqu'ici ! @+.

ClementLeroy
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le 12 juil. 2017

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San  Bardamu

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