Publié sur L'Homme qui lit :
Quand j’ai quitté Paris pour partir vivre dans cette ville de province, ma grande déception fut l’absence d’une petite librairie intimiste, faisant si possible salon de thé, comme j’en visite avec enchantement en France et à l’étranger à l’occasion de tous mes déplacements. Coincée entre une Fnac et un espace culturel Leclerc, la seule librairie indépendante de ma ville m’a longtemps rebutée : trop froide, trop commerciale, je n’y avais jamais trouvé l’amour du livre de la part des employés qui semblaient plus à mes yeux être des vendeurs de livres que des libraires. C’était jusqu’à ce que la discussion s’ouvre, et que de fil en aiguille, celle que j’aime appeler « ma libraire » me conseille ses lectures, dont ce très beau premier roman d’Eric de Kermel.
Nathalie et Philippe sont un couple de parisiens qui choisissent de s’exiler à Uzès, où Nathalie va racheter la petite librairie de la place aux Herbes qui est alors à vendre, et s’essayer à ce nouveau métier dont elle a toujours rêvé. C’est dans cet espace un peu confidentiel qu’elle va pouvoir organiser les rayons, classer les titres, mettre en avant nouveautés et coups de cœur. Donnant sur cette place qui abrite un marché régional, la libraire sera alors le lieu de nombreuses rencontres, aussi simples que chaleureuses.
Au fil des pages, on fait la rencontre de personnages attachants, qui tous apportent en entrant dans cette librairie leur histoire de vie, leur parcours, leurs doutes, et plus souvent encore, leurs espoirs. Qu’il s’agisse d’une jeune fille à l’éducation un peu rigide qui souhaite ouvrir ses horizons littéraires, d’un doux rêveur qui s’imagine infatigable voyageur du monde au fil des guides touristiques, d’une jeune bergère dont le ventre s’arrondit et qui ne veut pas le voir, d’un jeune homme décidé à reprendre contact avec un père à la santé déclinante ou encore du facteur qui rêve d’une vie de comédien, Nathalie sera là pour dispenser ses bons conseils et les lectures adaptées.
C’est un roman plein de bons sentiments mais sans niaiserie, à la fraicheur incandescente, que j’ai dévoré avec un immense plaisir. Il faut ici que je remercie ma libraire, qui m’a mis ce livre dans les mains pour mon plus grand bonheur. En deux cent pages, avec l’aide d’Eric de Kermel et de Nathalie, la libraire d’Uzès, elle m’a redonné envie de raccrocher ma blouse, de couper la sirène, les gyrophares, et d’ouvrir à mon tour cette petite librairie, « lieu de lumière et de chaleur, de partage et de confidences » .