Un joli conte mélancolique et drôle

Ferdinand collectionne les toiles de meules de foin et passe chez « la petite encadreuse » récupérer son dernier tableau. Il l’avait acheté avec Jeanne son amour, partie à Angkor, presque sur l’ordre de son père mourrant. Elle meurt dans un accident ferroviaire en Inde, laissant le jeune homme avec son amour envahissant « la blessure était toujours là et le tableau, en bon réserviste du passé, tenait son rôle de béquille dans le présent ». Jeanne, jeune femme toujours lointaine, à la belle chevelure rousse et peau laiteuse, pour tous les étudiants baptisée « La liseuse ».


Un soir, ils se rencontrent fortuitement dans un cinéma, à la fin du film « L’ange des maudits ». Sans même s’étonner de sa présence elle lui demande un crayon « Je voudrais noter cette phrase avant de l’oublier…. Je voudrais que vous puissiez partir et revenir il y a dix ans. »


Une amitié naît entre les deux jeunes gens. « Je ne comprends pas pourquoi on m’appelle "La liseuse", dit Jeanne en refermant le livre » lui dit-elle. Pour lui faire comprendre le pourquoi de son surnom, il l’emmène devant le tableau de Jaques Henner bien nommé « La liseuse ». Tableau d’une jeune femme rousse à la peau laiteuse, lisant un livre allongée nue sur un lit. « Cette femme fatale surgie de la pénombre est une figure de rêve, d’un érotisme calme et éclatant » La surprise ne s'arrête pas au tableau lui-même, car la liseuse fait une étrange proposition à Jeanne, « Jeanne, tu ne voudrais pas me remplacer ? » lança-t-elle en riant ».


Ferdinand ressent le besoin de retourner voir le tableau et les souvenirs, toujours affleurants, reviennent, le charme opère encore. La liseuse l’a reconnu et, dans un souffle, lui file un rencard « 11h ce soir, la statue de Dumas ». Est-ce l’absence de Jeanne qu’il vit très mal. « La Liseuse n’était qu’une vapeur de son imagination échauffée par l’absence de son amour ». Je ne sais si c’est une action des fameux gilets jaunes, mais « Toutes les figures des tableaux, les modèles, sont en train de se révolter. Ils en ont assez de poser, d’être pris en photo et d’entendre les propos idiots des visiteurs. » lui dit-elle.


Un joli conte écrit avec intelligence, mélancolique, drôle par l’intervention des tableaux, qui parle de l’aide qu’apportent les arts, la puissance des rêves qui font se matérialiser l’impossible.


Jean-Daniel Verhaeghe est réalisateur de films et cela se sent dans ce conte. L’écriture est vive, mélancolique, belle. J’ai vraiment aimé déambuler dans le musée avec Jeanne et Ferdinand, côtoyer avec eux l’invisible, l’extraordinaire. Je me suis laissée happer, pour mon grand plaisir, dans ce mélange d’amour, d’art. Un amour stoppé net en son début par la mort ne peut que laisser une empreinte indélébile car tout est neuf et n’a pas eu le temps de s’édulcorer. Ferdinand, grâce à Béatrice a pu revenir au présent, à la vie et puis « On ne meurt pas au passé » J’aime beaucoup cette phrase, stricte vérité.


Jean-Daniel Verhaeghe ressuscite Jeanne qu'il avait retrouvé dans un précédent ouvrage, Le passé définitif, mais, est-ce la même, je ne le pense pas puisque la nouvelle Jeanne est décédée au début de leur relation... Un trouble émotif en plus et, dans ma tête, un petit mélange intéressant d'autant que les nouvelles compagnes s'appellent Béatrice !!!


Au fait, petits vauriens, n’allez pas croire que La Liseuse est sortie dans sa tenue de travail (nue et couchée), non, elle a piqué la blouse d’une des employée et a demandé, pour les futures sorties à Ferdinand de lui apporter des vêtements de Jeanne, ce qu’il fait !!!


Une très jolie lecture mélancolique et drôle et, pourquoi pas un futur film ?

zazy
8
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Créée

le 28 déc. 2023

Critique lue 3 fois

zazy

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