D’abord écrit en anglais puis en français par la jeune auteur partie étudier l’écriture créative dans une université américaine, succès de librairie en cours de traduction dans une vingtaine de pays et bientôt adapté en série, ce pavé historique use de sa consciencieuse documentation historique pour une projection très romanesque de l’histoire des filles de la Salpêtrière envoyées rejoindre en 1720 les colons français fraîchement installés en Louisiane.
« On ne dit pas tout aux femmes ». Encore moins à celles que la société a reléguées à la Salpêtrière, cette ancienne fabrique de poudre pour munitions reconvertie au XVIIe siècle en asile pour indigents, et bientôt devenue un véritable lieu de détention, aussi bien de condamnées pour faits de droit commun, de femmes dites de mauvaise vie, ou simplement d’orphelines et de filles rejetées par leurs familles. Comme d’autres avant elles envoyées faire souche au Québec pour contribuer au peuplement de ce territoire colonial, elles sont une centaine, désignées « volontaires » pour une déportation cette fois en Louisiane, où les colons manquent cruellement d’épouses pour assurer leur descendance. Avec pour seul bagage l’espoir d’un nouveau départ loin d’une métropole qui les rejette, elles n’ont bien sûr aucune idée du terrible voyage à fond de cale qui les attend, de la famine, des ouragans et de la guerre avec les tribus indiennes qui viendront encore réduire les rangs des survivantes, enfin des violences masculines auxquelles les condamne leur futur rôle de ventres reproducteurs auprès d’hommes le plus souvent sans foi ni loi, harassés par la misère et l’hostilité de leur terre de conquête.
Sur ce fond de vérité historique, Julia Malye a imaginé le sort de trois de ces femmes : l’une fille du peuple forte et rebelle, condamnée comme « faiseuse d’anges » ; la seconde fragile aristocrate rejetée par sa famille pour son excentricité peu commode à marier ; la dernière encore une enfant, orpheline de tout juste douze ans. Si l’on suit sans déplaisir leurs parcours aventureux, relatés d’une plume fluide et rythmée, la déception point rapidement quant à la crédibilité de ces trois fils narratifs. Improbablement liés malgré des mariages disparates et géographiquement éloignés, survivant à de multiples maris, tous mauvais mais dotés du bon goût de mourir précocement, finissant dans une tonalité plus misandre que féministe par trouver le bonheur entre femmes, ces trois personnages féminins trop caricaturalement chargés de connotations empruntées à l’air de notre temps n’apparaissent au final que fort peu subtilement brodés sur la trame historique qui concentre en conséquence le véritable intérêt du roman.
Entre influences #MeToo et LGBT trop visibles dans un récit se déroulant au début du XVIIIe siècle, soupçon de misandrie et happy end improbable – pour davantage de réalisme sur le sort des épouses de colons en Amérique du Nord, l’on pourra avantageusement se référer au terrible Homesman de Glendon Swarthout –, le lecteur devra se consoler en profitant de quelques aspects historiques intéressants et du rythme d’un récit d’aventure entièrement féminin.
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