Maupassant mon amour ! Amour littéraire j'entends, calmez-vous les "mariage pour tous" ! La Main Gauche, recueil de nouvelles assez méconnu du grand public qui traite principalement d'histoires d'amour ratées, de mariages avortés, de couples brisés ou chancelants. C'est beau à chialer. L'introduction écrite par Roger Bismut met brillamment en lumière les aspects autobiographiques de ce recueil en comparant les nouvelles avec des éléments de la vie de l'auteur, le tout mêlé à des considérations éditoriales qui portent sur les changements du texte au fil du temps et des nombreuses rééditions. Comme on le sait tous, l'écriture de Maupassant est claire, limpide, simple mais riche en image d'un passé maintenant révolu. Ouvrir ce bouquin, c'est faire un voyage dans le temps, sans escale, pour le milieu du XIXe siècle. Époque 100 fois plus enviable que la notre, à n'en pas douter une demi-seconde. La rêverie vous saute à la gorge, je pense notamment à des textes comme Hautot père et fils qui commence par une partie de chasse tôt le matin dans la campagne normande. C'est pittoresque à mort, on veut y être ! On veut sentir la rosée du matin, on veut se paumer en pleine campagne, on veut écouter le parler franc des paysans du XIXe siècle, on veut entendre ce ton bourru et dur du père qui parle à son fils qu'il aime mais qui ne le montre pas. Sensibilité de côté, un homme doit cacher ses sentiments même envers son fils. Ou encore Allouma. L'histoire violemment poétique d'un colon en Algérie qui tombe amoureux d'une autochtone. La force de l'écriture n'a d'égale que l'évocation poétique de l'Orient qui sous la plume du maître est à se taper le cul par terre. Le rapport homme/femme, homme/serviteur est hallucinant. Les interrogations de l'homme blanc sur les sentiments qu'il porte sur un être qu'il juge inférieur, donnent toute la richesse à cette nouvelle. Lire ces courtes histoires aujourd'hui met une sérieuse calotte au vivre ensemble et aux adeptes de la décolonisation : "Depuis trois mois, j'errai[s] sur le bord de ce monde profond et inconnu, sur le rivage de cette terre fantastique de l'autruche, du chameau, de la gazelle, de l'hippopotame, du gorille, de l'éléphant et du nègre" (Un soir).
Les dialogues savoureux dans Le Lapin qui me font regretter d'être une merde de citadin tarlouzifié du XXIe siècle :
"Il reprit :
- Ous'qu'il est vot' beurre ?
- Mon beurre ?
- Oui, vot' beurre.
- Mais dans l'pot !
- Alors, ous'qu'il est l'pot ?
- Qué pot ?
- L' pot à beurre, pardi !
- Le v'la."
Magnifique ! Je passe sur les histoires d'inceste involontaires dans Le Port et autres joyeusetés... Pas besoin d'inventer la machine à remonter le temps, arrêtez de vous faire chier les gars. Ouvrez un bouquin de Maupassant, son écriture possède une force d'évocation à nulle autre pareille. À lire sans AUCUNE modération.