Une aventure de Sherlock Holmes à la sauce Horowitz
Fan de Sherlock Holmes depuis tout petit, j’ai lu en grandissant une bonne partie des aventures du détective anglais créé par Arthur Conan Doyle. J’ai également tenté ma chance à plusieurs reprises avec des romans basés sur les œuvres de Conan Doyle et écrits par des auteurs pas toujours d’un niveau ou d’une fidélité comparable, sans réel succès. Il n’y avait jusqu’ici que le français Bob Garcia et son Testament de Sherlock Holmes (Le Livre de Poche, 2005) pour me convaincre qu’on pouvait reprendre un personnage mythique sans le dénaturer et proposer également une enquête intéressante au dénouement inattendu. J’avais par la suite tenté ma chance avec d’autres romans… mais sans succès.
J’ai lu beaucoup de choses très mauvaises mettant en scène des caricatures de Sherlock Holmes dans des aventures tellement basique qu’on pouvait aisément en deviner le dénouement à la fin du dernier tiers du livre. Le genre de livre hyper rentable quand on n’écrit pas très bien parce que ça ne demande pas d’effort d’invention d’un personnage, et très simple à lire puisque absolument tout est mâché et aucun effort d’imagination ou de réflexion n’est nécessaire aux lecteurs.
C’est donc un peu par hasard que je suis tombé sur ce roman d’Anthony Horowitz et sous la pression d’un collègue, j’ai fini par y jeter un œil. En lisant le résumé, j’étais franchement perplexe… mais on m’avait tellement bien vendu le livre que je me suis plongé dedans avec une certaine hâte.
Qu’il s’agisse du personnage original créé par Arthur Conan Doyle ou de ses itérations à la télévision (Jeremy Brett, Benedict Cumberbatch…) ou au cinéma (Robert Downey Jr.), on connaît tous Sherlock Holmes. Cette familiarité fait que chaque nouvelle tentative d’introduction du personnage devient rébarbative et répétitive. Et paradoxalement, c’est souvent sur les éléments que tout le monde connaît que se concentrent les auteurs de romans afin de prouver à ceux que cela intéresse qu’ils ont la maîtrise des éléments des canons (les livres originaux). En pratique, ce n’est pas la connaissance de la couleur de la robe de chambre préférée de Holmes ou le type de bois de la pipe de Watson qui intéressent les lecteurs, mais bien la finesse de l’intrigue et du développement de l’enquête. Et ce beau paradoxe donne souvent les pires romans que l’on puisse trouver d’un point de vue narratif…
Horowitz se démarque de ceux qui se sont risqués à cet exercice et raconte une bonne histoire mêlant de jeunes orphelins, des immigrants, un homme menacés par des malfrats irlandais avec des rebondissements reliant habilement le tout. Il y a peut-être un peu trop de rebondissements à mon goût (beaucoup plus que dans les 60 récits de Conan Doyle, c’est pour dire !). L’écriture est à la fois fluide et riche en détails. Le mystère s’épaissit au fur et à mesure qu’on progresse dans notre lecture et que le décor devient glauque et glaçant.
La Maison de Soie est une aventure qui nous est contée par le Docteur Watson, le fidèle acolyte du détective, qui avait jugé que cette aventure était trop choquante pour être publiée du vivant de Sherlock. Le manuscrit écrit de la main du médecin nous parvient près de 100 ans après sa mort ; le procédé narratif est efficace et induit un certain recul sur les évènements.
Si le roman s’avale à toute vitesse et présente un Sherlock plus vrai que nature, Horowitz ne parvient pas à éviter certains anachronismes et incohérences, et il ne fait pas non plus illusion lorsqu’il s’agit de petits détails comme le type d’informations que le détective retient et celles qu’il choisit d’effacer de sa mémoire parce qu’elles sont inutiles (on citera juste le nom du Président des Etats-Unis, information inutile par excellence pour un résident britannique).
Le personnage de Watson est fidèle à ce que l’on sait de lui, et il pose beaucoup de questions – les siennes, celles d’Horowitz, et des questions que tout fan a pu se poser un jour en lisant les aventures originales de Sherlock Holmes. Mais ces nombreux clin d’oeil disséminés au fil des pages sont à la fois source de plaisir et de frustration, parce qu’ils nous renvoient sans cesse à ce que l’on a déjà lu sans nous donner ce « nouveau Sherlock Holmes » avec son existence propre sans être un copier-coller des canons que nous vante la couverture du livre. Et de ce point de vue, c’est un peu une déception pour ma part.