Cela faisait longtemps que je n’avais pas passé une nuit blanche devant un livre. La dernière avait eu lieu il y a à peu près 2 ans, avec La Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Même si je ne range pas La Maison des Mages d’Adrien Tomas dans le même lot, il est intéressant de noter le coté prenant des deux œuvres. Au premier abord, La Maison des Mages n’a pas l’air si alléchant que ça. Un titre un peu bateau pour de l’héroïc-fantasy, un résumé qui semble nous annoncer l’équipe classique des antihéros avec le mage pas doué, le nain râleur, l’elfe frêle et l’écuyer chétif ainsi qu’une taille de gros pavé (600 pages pour un poche) n’avaient pas grand-chose pour m’attirer. Il me fallait ma dose de fantasy et mon libraire favori n’était pas là pour me conseiller, j’ai du improviser.
Je me retrouve finalement avec un livre que j’ai lu en deux soirs, 100 pages le premier, 500 le deuxième. La faute à quoi ? Après un début classique d’exposition de l’univers, qui prend soin de donner les informations dans l’action, le livre explose littéralement au deuxième tiers. A partir de là, le lecteur se retrouve happé dans une suite ininterrompue de péripéties qui jouent énormément avec les mensonges, les trahisons et les retournements d’alliances pour instaurer une action constante. La psychologie des différents personnages se révèle dans l’action et le livre ne s’embarrasse pas de fioritures de description. Les personnages évoluent très vite et quelques mots suffisent à chaque fois pour décrire leur état d’esprit.
Le préjugé de l'anti-préjugé?
Ce roman a donc rapidement commencé à jouer avec les préjugés que j’avais sur lui. Je suis impressionné par la concision du livre. Je pense souvent qu’un gros livre peut être facilement coupé. Là, les 600 pages s’enchainent et l’auteur ne digresse quasiment jamais. Les passages un peu longuets ne durent jamais plus d’une dizaine de pages et il instille des éléments de scénarios avec un sens du timing calculé pour relancer la curiosité pile au bon moment. L’histoire se base sur une logique d’affrontements entre forces supérieures avec au milieu des humains qui semblent improviser. On se prend rapidement au jeu de se demander qui sont les camps, combien tel personnage semble avoir de coups d’avance dans la partie...
La narration qui amène à suivre l’action du point de vue d’un personnage différent par chapitre est extrêmement intéressante d’autant plus que le reflexe Game of Thrones que j’avais emprunté au départ n’était pas de mise ici. Ce n’est pas parce qu’un personnage a un chapitre qu’il va survivre… De plus, dans Game of Thrones, on est dans la tête et les pensées du personnage du chapitre. Ici, ce n’est pas parce que le personnage cherche des potions pour son groupe qu’il ne se retrouve pas une page plus loin à devoir montrer son jeu après une accusation de trahison, sans que rien ne le laisse présager un paragraphe plus haut.
24 heures chrono
Le coté antihéros un peu facile est contrebalancé par le fait que les héros ne se rencontrent pas tous. On suit plusieurs intrigues qui se déroulent en parallèle, certains personnages se retrouvent, se séparent, se mettent à deux, seuls ou participent à des batailles épiques. On peut après remarquer quelques clichés, comme le classique « mage invincible qui se fait pouncher en milieu de bouquin » mais il y en a relativement peu ou en tout cas ils sont utilisés avec doigté. Les personnages se définissent par leurs actions, un des quatre cités plus haut par exemple ne parle quasiment jamais. La narration le montre d’ailleurs à partir d’un événement particulier comme fermé aux regards des autres, car il n’est plus évoqué qu’à travers les chapitres d’autres personnages.
On peut reprocher un manque de sentiment épique au livre mais il est induit par cette action frénétique. Le coté improvisation absolue du récit, dont même l’auteur semble se moquer par endroits lui donne une fraîcheur bienvenue qui en fait un des livres de fantasy les mieux rythmés que je n’ai jamais lu.