Pour un livre fondamentalement anti-religieux, La Morale anarchiste est rempli de foi, il en déborde même. Une foi profondément libertaire, individualiste et portée sur la solidarité. En clair, anarchiste, donc. A mon sens, la pensée de Kropotkine tient dans la synthèse suivante : La solidarité est le caractère universel, présent dans chaque être, de la simple cellule à l'homo-sapiens, nous liant perpétuellement et nous prévenant - consciemment ou non - contre l'extinction. La solidarité est donc une de nos raisons d'être et de survie, mais est aussi notre bouclier le plus solide contre la rigidité et la domination imposée par les nombreux cadres qui enserrent notre société. Religion, Etat, Loi et même nos propres parents, chaque figure d'autorité doit voir sa parole, son pouvoir, et sa légitimité remise en question, dans une lutte où la solidarité représente l’arme la plus efficace. Pour décrire et justifier de l'importance et de l'universalité de cette solidarité, Kropotkine prend en exemple à de maintes reprises le règne animal, dans des exemples que j'ai souvent trouvé d'une grande pertinence - avec les exemples des colonies de fourmis, ou du partage de nourriture des corbeaux - mais qui m'ont aussi parfois paru assez tiré par les cheveux, l'exemple de la coopération cellulaire ne m'ayant pas vraiment convaincu. Enfin, la notion qui m'a peut-être le plus plu reste celle du plaisir, du bonheur. Selon Kropotkine, notre bonheur serait intimement lié au bonheur de ceux qui nous entourent, une pensée qui, si on se l'approprie, simplifie bien des rapports humains.