Assez déçu par La Montagne magique, livre du même auteur, qui avait selon moi trop de défauts à surmonter pour que je puisse apprécier le style de Thomas Mann, j'ai finalement trouvé mon bonheur dans cette nouvelle intitulée La mort à Venise.
La plume de l'auteur allemand fait des merveilles, inspirée peut-être par la ville souvent idéalisée et assimilée à la notion d'art, en opposition avec le ressenti du personnage, qui découvre une ville mercantile, parfois nauséabonde, qui cache les dangers de la maladie pour ne pas effrayer les touristes.
A moins que cette inspiration ne vienne de ce personnage lui-même, vieil auteur qui décide de fuir un temps le confort de sa région pour venir trouver un vent de nouveauté en Italie.
La suite n'est que beauté, celle d'un jeune homme, celle d'une écriture ; n'est qu’œuvre d'art, et emmène le lecteur dans les pas d'un personnage qui s'éprend de la jeunesse, de la grâce et redécouvre l'amour.
Mais l'autre force de La mort à Venise est d'avoir su, dans une nouvelle, donc par définition un texte assez court, créer un monde et des personnages que l'on assimile rapidement, des marchands opportunistes aux gondoliers de connivence, en passant par les hôteliers et les clients étrangers, ainsi qu'une ville qui semble ici toute petite et qui entretient une fausse image d'elle-même pour ne pas se renfermer sur elle-même.
L'édition Livre de Poche propose à la suite de cette merveille deux autres nouvelles, plus courtes.
La première, Tristan, partage le point commun avec la Montagne magique de se dérouler dans un sanatorium. Elle est très réussie, l'histoire d'amour entre Spinell et Gabrielle est magnifique, presque onirique, et la séquence dans le salon où l'on joue du piano révèle à elle seule la puissance de l'écrit et la possibilité de transmettre ou de retranscrire des émotions par ce biais. L'ironie parsemée dans le récit vient aussi lui apporter une dimension supplémentaire et faire de cette nouvelle une œuvre finalement tout aussi importante que la précédente.
Ce n'est pas le cas de Le Chemin du cimetière, nouvelle encore plus courte, très difficile car récit d'un apitoiement, d'une chute, d'une décadence pénible à supporter. Ici l'écriture fonctionne moins bien, entre descriptions neutres, narration qui donne trop de place au narrateur lui-même (dans l'utilisation de fausses pistes, d'avis et d'interrogations) et brièveté extrême qui réduit le développement à peau de chagrin. Une nouvelle un peu inutile au final.