Un bon roman d'espionnage danois. Leif Davidsen, qui a déjà une douzaine de titres (traduits en français, du moins) à son actif, continue de tracer sa route, sans sacrifier à la mode parfois un peu hystérique du polar scandinave. Ce qui explique probablement qu'il ne soit traduit que tardivement, et quasi introuvable en rayon en librairie : j'ai du commander "La mort accidentelle du patriarche". Une sorte d'anti Jussi Adler Olsen, dont les polars racoleurs et aux ficelles tout de même un peu éculés sont disponibles même en supérette.
Bon, il est vrai que Davidsen est avant tout un journaliste, ce bien plus qu'un écrivain. Son style est pour le moins assez sobre, et souvent plus descriptif que lyrique. Il ne joue guère, ni avec les mots, ni avec la syntaxe. Il n'empêche que, dans ce bouquin comme dans d'autres, il décrit avec justesse une Europe de l'Est et du Nord mondialisée, comme uniformisée aux standards du capitalisme triomphant. Mais, cela étant dit, la qualité première de l'auteur reste sa très bonne connaissance de la Russie et de l'URSS, qui reste le thème central de ce roman, comme de la plupart de ses précédents ouvrages, d'ailleurs. Et du coup, ça sonne véridique.
On y retrouve ainsi une intrigue complexe, bien construite, dans la Russie actuelle qui entremêle étroitement la société danoise et, donc, celle de la Russie, abordée dans ses aspects politique, religieux (le patriarche est en quelque sorte le pape de la religion orthodoxe), économiques et culturels. Ainsi qu'un personnage principal, journaliste météo à succès et érotomane, que le décès de son frère va amener à s'interroger sur le sens de sa vie et sur l'évolution du monde. Et, en milieu de bouquin, un long flash back intitulé "Une histoire d'amour soviétique", qui nous ramène à l'époque de Brejnev, et qui n'est pas, par moments, sans rappeler, "L'homme du lac", l'un des meilleurs romans d'Indridason. Le tout narré, sur un tempo impeccable, avec une précision clinique et un regard plein d'acuité. Et, si la critique sociale ou sociétale n'est que très rarement explicite, elle affleure constamment au fil de la narration, s'agissant notamment des questions environnementales.
Une lecture agréable, donc, et que d'aucuns pourraient trouver un facile ou ennuyeuse en raison du style peu recherché de l'auteur. Mais je persiste à considérer Davidsen comme une valeur sure du roman d'espionnage contemporain.