La Mort d'Ivan Ilitch par ngc111
Trois nouvelles portant sur le thème de la mort : Trois Morts, La Mort d'Ivan Illitch et Maître et Serviteur. Trois réussites même si c'est à des degrés différents.
La première d'entre elle, Trois Morts, est la plus courte, relatant la mort d'une vieille dame qui refuse son sort et s'obstine à vouloir entreprendre et poursuivre un voyage dont tout le monde sait qu'elle n'en verra pas l'issue. Ce déni de sa propre mort est par la suite mis en parallèle avec l'acceptation calme, sereine d'un paysan malade dans une isba, qui se consume tranquillement. Ici l'accent est plutôt mis sur la réaction des tierces personnes, le propriétaire de l'isba, et surtout le cocher qui récupère les bottes du futur mourant en lui promettant une pierre tombale pour sa dépouille. Promesse à moitié tenue puisque le défunt bénéficiera seulement d'une croix. Enfin la dernière mort est celle de l'arbre, mort finalement "convenue", ni acceptée ni refusée mais subie comme une évolution naturelle.
La nouvelle est sympathique à lire même s'il faut avouer que cela manque de profondeur et de moments de génie.
La Mort d'Ivan Illitch hausse le niveau avec une narration plus recherchée, d'abord sous la houlette d'un collègue du défunt juge, qui s'attarde à présenter le cynisme de l'attitude des membres de sa profession mais aussi des membres de sa famille. Un aspect bien mise en avant.
Ensuite vient le récit de la vie d'Ivan Illitch (notamment sa vie conjugale) puis son déclin lent et douloureux. Ici certains passages semblent un poil trop longs et peu captivants mais la transformation du personnage, son appréhension de sa mort et ses réactions sont d'une justesse et d'une émotion remarquable.
Enfin Maître et Serviteur est sans doute la plus réussie et justifie à elle seule l'achat de ce recueil ! On y retrouve les moments de grâce que Tolstoï est capable de fournir dans ses romans (la scène du thé, la dernière nuit dans la tempête de neige), des personnages à l'épaisseur saisissante, qui évoluent de manière subtile et touchante.
On y trouve le thème de la mort donc, mais aussi ce respect et cette volonté de la part du comte Tolstoï de mettre en avant les qualités propres du monde paysan russe, leur fidélité, leur amour (qui se transmettra dans l'attitude finale de Vassilli Andrevitch). Même le cheval devient finalement un troisième personnage tant son importance saute aux yeux dans le récit !
Enfin l'atmosphère glacée est superbement mise en avant avec des paysages enneigés, où les routes disparaissent, où les vêtements sont abandonnés sur les fils à sécher (sic) avant de s'envoler au gré des coups de vent... on en frémit !
En conclusion si la lecture des deux premières nouvelles ne laissera pas un souvenir impérissable (quoique pas désagréable, loin de là !), celle de Maître et Serviteur ravira les fans de Léon Tolstoï, qui retrouveront par moment l'écriture de génie de l'écrivain russe, et une épaisseur dans la narration et les personnages bien plus convaincante.
Pour une brève extase...