La Mort d'Ivan Ilitch par Dominic de Barmon
Ce livre, entre le roman et la nouvelle, semble d'une banalité factuelle désespérante. L'histoire anodine, rabâchée d'un homme mourant et triste de sa vie qu'il découvre de plus en plus vide de sens.
Mais surgissent aux fil des pages un tissu problématique qui interroge petit à petit le lecteur, le révèle à lui même dans sa condition mortelle. L'ouverture de l'œuvre nous en montre l'ampleur, l'âme putride qui anime le cercle moscovite, entre débauches, ambition et mensonges. Ainsi il n'est pas de portrait flatteur d'Ivan Illitch, dont Tolstoï retrace la morne vie. La narration, froide, dans le pure style de Tolstoï, nous montre la putréfaction à rebours du personnage. C'est bien cela que le narrateur nous montre, comme le corps et l'âme d'Ivan se délite au fur et à mesure qu'il approche de sa mort, et dont il prend, par sa souffrance, conscience. Une prise de conscience qui se fait tel un faisceau lumineux s'élargissant, aboutissant sur la rencontre mystique de la mort, soit celle de la vérité, ou se mêle honte, dégoût et bonheur.
En cela ce livre nous offre un miroir terrifiant, qui nous plonge dans nos peur, car cette maladie est la symbolique de notre névrose quotidienne, de notre bien-pensance. La mort y est mise à nu, sans compassion, plus par pitié ou dépit. Notre arrogance de vivant, battue en brèche, nous ouvre un champ de réflexion immense, et nous donne un nouvel esprit.