Des deux thèmes principaux chers à Paul Auster (l'absence et le hasard), celui qui prend le dessus tout au long de ce livre est bien entendu le second.

Pourtant, les premières lignes sont claires : tout ici se déclenche à cause de la culpabilité d'un père absent depuis trop longtemps, et de la lassitude d'une femme qui décide d'abandonner son mari et sa fille. Sans l'un ou l'autre de ces événements, rien ne se passe.
Sauf qu'il ne faut pas occulter le hasard du calendrier, qui fait que Nashe, personnage principal, décide lui aussi de tout plaquer.

C'est ainsi que l'on se rend compte de la virtuosité de Paul Auster. Il ne lui aura suffit que de quelques phrases pour rendre limpide une situation qui ne l'est pas. Les premières pages sont un modèle d'entrée en matière : entre rythme soutenu et clareté du message, on est emporté d'emblée dans le récit, sans jamais avoir le sentiment d'être pris par la main.
Et pour ne rien gâter, ce rythme littéraire est en parfaite adéquation avec l'histoire que Auster déroule : une forme de road book né sous le signe de l'errance et de la quête de soi.

Le thème de l'absence se retrouve alors dans le vide que constitue tout d'un coup la vie de Nashe : plus d'attaches familiales, plus d'attaches financières, plus d'attaches professionnelles. Il n'y a plus rien qui le retient, plus d'obligation, plus d'objectif. Juste une envie, un besoin : celui de prendre la route, et rouler, toujours plus loin, toujours plus longtemps.

Jusqu'à ce que le hasard reprenne le dessus, à travers des rencontres impromptues. Une, notamment. Celle de Pozzi.
Cette rencontre fera basculer la vie de Nashe comme elle fera basculer le livre.

D'un récit basé sur le voyage, l'instabilité, le parcours, on passe à une histoire fixée à l'extrême, dans un lieu unique, fermé. Entre les deux, une constante : la quête de sens dans la vie de Nashe, dont on attend à chaque instant qu'elle bascule à nouveau.

Auster est un auteur habile. Dans un style extrêmement fluide et facile à lire, il sait distiller les éléments suffisants pour rendre ses histoires crédibles, au point qu'on se laisse embarquer, même quand le récit devient surnaturel (Mr Vertigo). Ici, rien d'impossible, rien de foncièrement incroyable, juste une galerie de personnages classiques évoluant dans des circonstances qui les dépassent.
Il sait également déposer de temps en temps quelques formulations, quelques visions de vie qui me touchent quasiment à chaque fois, faisant ici de la partition globale une musique irrésistible que je pourrais lire en mode "repeat".
G_Savoureux
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le 4 janv. 2011

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G_Savoureux

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