Hanna Arendt est une philosophe très connue pour avoir couvert le procès de Eichmann ainsi que d’avoir été une des premières a traité du totalitarisme, dès les années 40. Mais aussi pour avoir côtoyé Heidegger. Hayek avait déjà essayé de dresser le contour du régime soviétique, avec plus ou moins de mal selon moi. Ici, Arendt essaye de nous brosser le portrait du totalitarisme d’un point de vue légaliste quand Hayek s’attardait sur la forme et la manière dont le régime arrivait au pouvoir. Elle sera accompagnée d'outils développés par deux philosophes, Kant et Montesquieu.


Dès le début du livre, elle nous fournit une définition qui pourrait sans doute contenter une partie de ses lecteurs : « le totalitarisme est la négation de la liberté ». Par extension on peut donc dire qu’il s’oppose au monde libéral qui s’est bâti sur cette valeur, sur la liberté d’entreprendre, la liberté de marchander, de faire du commerce, d’innover, d’exprimer ses opinions.


Nous avons dans nos vies, une dualité, nous sommes des individus et des citoyens. On peut aussi calquer cette dualité au niveau de la politique de l’Etat, il a une politique intérieure, notre vie privée, et une politique étrangère, ce qui se passe dans la sphère publique. Ce sont des éléments qui peuvent nous éclairer sur la nature du totalitarisme selon elle, car ces régimes ont pour ambitions de les supprimer. Selon elle les états totalitaires assimilent politique intérieure et étrangère puisqu’ils concourent à la domination mondiale ainsi leur droit serait universel, s’appliquant à tous. Les guerres qu’ils perpétuent, vue comme des annexions, ne sont donc que des guerres civiles.


Dans les républiques, les citoyens sont égaux devant la loi et ils doivent tous recevoir la même chose du fait de leur statut. Dans la vie privée, ce sont des individus tous différents et la loi ne peut pas garantir des choses égales dans cette sphère. La loi ne fait que définir des frontières, mais elle ne permet pas de toucher à ce qui se passe dans la vie privée. Elle fait une distinction nette entre public et privée et instaure des règles pour la vie publique. Elle permet ainsi aux personnes d’être libre dans leur sphère privée et donc d’impulser un mouvement a contrario des institutions, régies par la loi et donc stables.


Le gouvernement totalitaire, à la différence des autres formes de gouvernement, est « sans loi », mais non arbitraire, car suivant une logique naturelle ou historique. Il se passe des lois positives, faites par les hommes mais promet plutôt celle de la nature et de l’histoire. Ces lois s’appliquent directement à l’espèce pour donner une Humanité homogène, avec l’idée derrière de domination mondiale. Ces lois sont mouvements, elles ne sont plus stables comme ont pu l’être les lois du droit naturel bien que celles-ci purent être modifiées de temps en temps. La terreur est l’essence des gouvernements totalitaires. Ces lois tendent à l’épuration, l’apurement des individus gênants au profit du processus de progrès de l’espèce. Après que les ennemis aient été éliminés, la terreur, qui s’est instaurée, règne sans que rien ne puisse se mettre en travers de son chemin.


Contrairement aux lois des Etats constitutionnels ou républicains, la loi n’établit pas de frontière, mais immobilise les hommes pour qu’elle puisse se mouvoir. La terreur permet de rassembler tous les hommes vers un but commun, a contrario des hommes libres qui divaguent et font ce qu’ils veulent. Elle les rassemble et permet ainsi d’accélérer le mouvement de l’Histoire ou de la Nature avec une force que personne n’aurait pu réunir. Dans les régimes tyranniques, le Tyran veut être le seul à diriger pour ne pas être menacé. Alors que dans un régime totalitaire, le chef qui se définit comme dirigeant de toute l’humanité supprime l’opposition pour pouvoir avoir un règne total. Mais la suppression de l’opposition n’est pas son but ultime, il veut reproduire les lois de la Nature. Il est finalement l’exécutant de loi supérieure.


Quand la terreur a fait son effet et que les hommes ont tous été isolés, le totalitarisme transforme alors le processus en mouvement et la terreur s’applique à tous sans distinction. A partir de cela, les hommes qui ont soif de connaître les lois du mouvement selon lesquelles opère la terreur vont eux-mêmes se jeter dans le mouvement. Et une fois que les personnes indésirables auront été éliminées, ce sont les personnes qui se seront jetées dans le mouvement qui demanderont à être éliminées. L’idéologie totalitaire prédispose ainsi les personnes à être victimes et bourreaux.
Il n’y a selon elle que dans ce type de gouvernement que l’idéologie devient un moteur de la vie politique, car elle détermine l’action des gouvernants et permet à la population de supporter cela. Elle entend au sens d’idéologie l’explication totale des mouvements de l’histoire, par la lutte des classes par exemple ou la domination mondiale des juifs. Ce sont des « — isme » qui tentent de tout expliquer par une vision monocausale. L’idéologie devient donc indépendante du réel et par cela elle créer la terreur pour que tout corresponde à l’idéologie et que l’humain cesse d’être imprévisible.


Ce que les totalitarismes ont réussi à faire, selon elle, ce n’est pas à créer quelque chose de nouveau comme le racisme ou le socialisme, mais d’avoir pu le transformer en réalité. Là-dessus je ne suis pas d’accord, le fascisme apparaît comme quelque chose de nouveau. Il apparaît dans un contexte d’après première guerre mondiale, la doctrine du fascisme n’a pas comme thèse principale le racisme non plus. Le nazisme ne peut se définir seulement par son racisme, on peut émettre l’hypothèse que sa condition lui a fait occulter certains éléments de compréhension du système fasciste et par extension du système nazi.


Les régimes totalitaires partageraient selon elle la foi en la toute-puissance de l’homme et en même temps son caractère superflu. Ils établissent comme principe le fait que la réalité et la vérité peuvent être transformées. La réalité perd son sens, le régime totalitaire fera tout pour assujettir la réalité et la transformer selon son idéologie c’est pour cela qu’il a besoin de la domination mondiale et qu’il peut perpétrer les pires atrocités. L’idéologie permet de se séparer de la réalité, d’en sortir, et ultimement d’appliquer la meurtrière logique qui découle de notre souscription à l’idéologie.
Elle considère que les totalitaires ont exploité les individus isolés, l’Allemagne par exemple n’était plus qu’une agglomération d’atome et donc les individus isolés qui n’avaient plus d’expérience du réel se renferment sur l’abstrait.



« La désolation comme corollaire de la perte du foyer et du déracinement est, d’un point de vue humain, la maladie de notre temps ».



Ce qui me dérange ici c’est que l’on a un amalgame de fait entre les Soviétiques et le nazisme. Elle créer une nouvelle boîte où mettre les régimes politiques dérangeants et qui s’illustrent par des actes de meurtre de masse. Pourtant elle n’a pas parlé de l’Empire ottoman ou des actes commis durant la Révolution française ou de l’Empire allemand en Afrique. Il y a des éléments très intéressants comme le fait de vouloir transfigurer la réalité même et de la faire coller à son idéologie, et par là cela me rappelle des mouvances très récentes. Les régimes totalitaires ont volonté d’appliquer la terreur, d’immobiliser les êtres humains pour ensuite impulser un mouvement.


Ce sont des éléments de réponse extrêmement intéressante qu’elle nous fournit ici, maintenant il y a quand même une différence fondamentale entre le fascisme qui se rapport à une Tradition, qu'elle soit fantasmée ou non n'est pas la question ici. Et les Soviétiques qui vont établir des principes comme la société sans classe. Je ne pense pas d’ailleurs que l’idéologie fasciste se fonde sur le racisme, je ne pense pas que cela soit le pilier central de cette idéologie politique. Comme elle le dit elle-même, sans doute que les partisans ne connaissaient pas le projet de la solution finale.


C’est une hypothèse que j’émets, elle n’est peut-être pas correcte, mais il me semble, comme je l’ai dit, que sa condition a pu lui faire occulter certains éléments nécessaires à la compréhension de ces mouvements. Elle ne cite aucun penseur fasciste ou penseur soviétique, on a l’impression qu’elle n’a pas essayé de comprendre ces mouvements en comparant les écrits et la réalité. Elle a appliqué son calque idéologique sur la réalité, les faits qui ont été rapportés et elle en a tiré des conclusions. Elle qui a côtoyé Heidegger aurait dû un peu mieux connaître la nature du fascisme. Les communisme voulaient une nouvelle société, en inventer une, les fascistes voulaient retourner à ce qu'ils considéraient comme nos racines. De plus, il me semble que c'est le libéralisme qui atomise les sociétés et non le fascisme, ils veulent justement ancrer les êtres humains dans le réel.


On pourrait s'interroger sur les sociétés qui nous ont précédé comme la société féodale, l'Empire de Chine ou l'Empire musulman, peut être qu'une société non-total est une aberration aux yeux de l'histoire de l'humanité, peut être que c'est notre société qui est anormale.

Franc_cot
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le 28 févr. 2020

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