« La neige était sale » (1948) est le 89e roman (en 5 + 5 + 4 = 14 chapitres), écrit, à 45 ans, à Tucson (Arizona), par Georges Simenon (1903-1989). C’est le 63e de ses romans durs (sans Maigret). Il a fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 1954 par l’Argentin Luis Laslavsky avec Daniel Gélin. Cela se passe pendant la guerre, en hiver, dans un pays (la Belgique ?) occupé (par les Allemands ?). Simenon décrit un monde noir, froid, misérable, sans morale. Frank Friedmaier, 19 ans, blond aux yeux gris-bleu, dont la mère Lotte, tient une maison close sous couverture de manucure, est totalement dépourvu d’empathie, a du mépris pour la misère et ceux qui s’y adonnent. Il n’a pas de pitié, ni pour lui, ni pour les autres. Par ennui, par bravade, Frank chercher à défier le destin. Le roman, à travers lui, illustre la banalité du mal, concept développé plus tard par Hanna Arendt en 1963 dans son livre sur le procès à Jérusalem d’Adolf Eichmann (1906-1962), criminel de guerre nazi, responsable de la logistique de la solution finale. L’ambiance fait penser à « Traversée de Paris » (1947), nouvelle de Marcel Aymé (1902-1967). Simenon va dans le même sens que Jean-Paul Sartre, qui écrivait, en 1944, dans la revue « Les lettres françaises » (fondée en 1942), au sujet d’une définition de la liberté, que « jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande ». Les interrogatoires de Frank font penser au « Procès » (1925) de Franz Kafka (1883-1924). Malgré la bonne description de l’état psychologique de Frank et de son évolution au cours du temps, il est difficile de s’intéresser à un salaud, qui, au sens sartrien du terme, est celui qui, par mauvaise foi, se dissimule le caractère gratuit et injustifiable de l’existence. Il y a, probablement, une partie autobiographique dans le roman : pendant la seconde guerre mondiale, Simenon a vécu en France (depuis 1927), en Vendée et en Charente-Maritime, où sans être vraiment collaborateur, il n’a pas fait preuve d’héroïsme ou de résistance, préférant l’opportunisme et s’accommodant de l’Histoire.

bougnat44
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le 8 janv. 2025

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