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Le génie de Rousseau, même en parlant de l' amour.....

Bonjour à tous,

Rousseau mon Héros, mon Idole !!! Bref, en tant qu' admirateur passionné de Jean-Jacques, on ne se refait pas..... :).

Dans les Confessions, Rousseau se souvient de ses premières lectures : ce sont les romans d'amours laissés par sa mère. Ces lectures, faites avec avidité, font sur le jeune Jean-Jacques une très forte impression. C'est, dit-il, le "temps d'où je date la conscience de moi-même". Plus tard, son imagination exaltée lui fait concevoir des objets propres à la fixer, et c'est ce qui l'aide à supporter les mauvais traitements de son maître, le graveur Ducommun. Mais parallèlement, Rousseau nourrit une grande méfiance à l'égard du genre romanesque, qui exalte de façon dangereuses les illusions du lecteur, ou plus exactement de la lectrice, car le public romanesque est principalement féminin.

Pourtant, c'est le roman qui semble la forme la plus adaptée à un projet qui naît en 1756, alors que Rousseau vit retiré à l'Ermitage, auprès de Madame d'Epinay : son cœur aimant ne trouve pas d'objet où fixer son affection. Alors, il invente des êtres selon son cœur, deux jeunes femmes, l'une brune et l'autre blonde, l'une vive et l'autre douce, avec lesquelles il échangerait toute une correspondance. C'est ainsi que s'ébauche la Nouvelle Héloïse, et que les personnages de Julie, Claire et Saint-Preux s'élaborent. La forme épistolaire permet une multiplication des points de vue et une variété des voix, propres à créer une composition symphonique que devait apprécier Rousseau, par ailleurs auteur d'un opéra.

L'héroïne, Julie d'Etanges, aime Saint-Preux, son précepteur. Cet amour est pur et vertueux, innocent selon la nature. La pureté des sentiments est également représentée par l'amitié qui unit les deux jeunes gens et Claire. Mais la société contrarie les amours innocentes : Julie doit épouser Monsieur de Wolmar, et malgré sa volonté de résister à ses sentiments, elle finit par succomber. En effet, alors que la nature est franche, la société produit le mensonge et tolère l'adultère. Julie refuse ce mensonge social et se confie à son mari, qui la soutient et lui renouvelle sa confiance en rappelant Saint-Preux : dans la microsociété idéale de Clarens, la liberté, la vertu, le bonheur et la vérité règnent. Clarens est sans doute la réponse à l'aporie soulevée dans le Discours sur l'inégalité : l'état de nature est perdu pour jamais, et les dégradations dues au progrès sont irréversibles, mais il est possible au moins en théorie de créer un état ultérieur, qui rétablirait les conditions de l'état de nature dans une société maîtrisée. C'est un monde selon le cœur de Rousseau, où vit une communauté heureuse.

Autre paradoxe : c'est un roman, genre qui par excellence est souvent décrié pour son immoralité, qui propose le tableau édifiant de la lutte victorieuse de la vertu contre les passions. Le combat de Julie et de Saint-Preux ne se déroule pas sans souffrances ni sans difficultés. La mort héroïque de Julie est certes consécutive au sauvetage d'un de ses enfants de la noyade. Mais elle paraît sur son lit de mort comme une martyre, une figure quasi-christique du sacrifice à la vertu. C'est donc dans le cadre d'une fiction que Rousseau va développer ses théories morales, adaptant ainsi les moyens à la fin : c'est que le public auquel l'auteur veut s'adresser est justement ce lectorat mondain et féminin, grand amateur de romans.

L'interdit social ne peut retenir Saint-Preux, jeune plébéien, et son élève Julie, fille du baron d'Étanges, d'éprouver une passion violente que ne peut vaincre une première séparation. Devenue la maîtresse de Saint-Preux, Julie doit pourtant, sur l'ordre de son père, épouser M. de Wolmar, philosophe mûri par les épreuves, et le jeune homme s'éloigne à nouveau. À son retour, il est invité par M. de Wolmar, à qui sa femme a avoué sa faute, à venir élever les deux enfants du couple dans leur propriété de Clarens. Mais, après un moment d'accalmie, l'amour renaît, et seule la mort évite à Julie de faillir encore. La transmutation d'une passion humaine en passion pour la vertu se révèle impossible, et la « vie » met en échec l'audacieuse pédagogie morale de M. de Wolmar : « Qu'ils soient toujours amants et ne soient plus qu'amis… » En contrepoint de l'intrigue amoureuse, plusieurs lettres consacrent de longs développements au débat religieux, à la critique de la vie sociale symbolisée par la mondanité et les spectacles parisiens, au projet d'inscrire dans un système ordonné le jaillissement de la
nature, qu'il s'agisse de l'organisation paternaliste du domaine de Clarens, de l'éducation des enfants ou de l'art des jardins : « La nature a tout fait, mais sous la direction. ».

Mais je préfère mettre en garde mes chers lecteurs. La fiction n' est qu' ici un prétexte, pour Jean-Jacques, pour affermir ses idées philosophiques, et surtout toucher un lectorat féminin, qui lisait essentiellement des romans au XVIII ème siècle. Il m'aura fallu un long mois pour venir à bout de la Nouvelle Héloïse, best-seller du XVIIIe siècle. Mais quelle expérience ! Quelle densité dans le style ! Quel voyage ! Je comprends pourquoi tant de gens se sont enthousiasmés pour ce roman épistolaire qui rejoue les amours passionnés d'Abélard le précepteur et de son élève Héloïse. Ce roman de Rousseau n'a pourtant rien pour plaire au lecteur du XXIe : ton sentencieux, longs propos édifiants et lénifiants, saveur rance de petit dévot moralisateur, exagérations des attitudes et peinture irréalistes des personnages… Mais cela fait partie des grands paradoxes de Rousseau. Son récit est tellement irréaliste, tellement impossible, les situations sont si improbables et incongrues que l'on parvient à entrer dans un monde merveilleux. Non pas utopique, car il n'a rien de franchement désirable, mais au romantisme hallucinant. Un monde qui se veut égalitaire tout en restant paternaliste et où les amants vivent en bonne amitié avec les maris.

Et tout comme l'Emile ou de l'éducation est un essai tournant vers la fiction, l'Héloïse est une fiction tournant vers l'essai philosophique. Mais en tant qu' inconditionnel du philosophe genevois, je perds toute objectivité et je prefere mettre en garde mes lecteurs que ce livre risque fort de leur tomber des mains s' ils ne s' interressent pas de près à la philosophie de Rousseau. Pourtant quel génie ce jean-jacques, quel esprit visionnaire..... Il a tout compris sur les relations entre les hommes et les femmes.....

Rousseau est un penseur, un philosophe politique qui aimait la littérature. Les idées et la morale de son "Contrat social" se diffusent à travers une oeuvre dense qui comporte des essais aussi bien que des romans.
Son influence sur le monde : L'incroyable succès de son roman épistolaire "La Nouvelle Héloïse" (sans doute le livre le plus lu du XVIIIe siècle !) lui assure une renommée considérable. Cela lui permet de faire entendre dans l'Europe entière ses conceptions sur l'organisation sociale, l'inégalité, l'Etat. Exemple :

" Si j’osais juger d’autrui par moi-même, je craindrais que les extases des mystiques ne vinssent moins d’un cœur plein que d’un cerveau vide." ( Lettre de Saint-Preux à Julie ).

En effet, Rousseau a fini par choisir le roman même s'il considérait la littérature comme source de corruption des moeurs. L'intérêt de cette œuvre ne réside bien entendu pas dans l'intrigue, simple et assez commune de l'amour entre deux jeunes personnes. le véritable intérêt (selon moi) est ce choix de vivre selon sa propre pensée et humeur loin des conventions instaurées par la société. de choisir sa propre éthique et la suivre. de même la passion souvent décrite comme destructrice et source de dégradation, Rousseau l'élève et la rend salvatrice menant à la vertu. En plus de l'amour entre ces deux jeunes, l'amour de la nature est là, ainsi que celui de la vie champêtre (ce qu'on retrouve plus tard chez Bernardin de Saint-Pierre).
La lecture fut longue et lente, c'est du lourd, un roman complet où l'on trouve un peu de tout, comme si l'on lisait plusieurs. Il demande beaucoup de persévérance et d'attention, mais à sa fin on s'en sort satisfait (surtout si l'on est un peu rousseauisste). le bon Jean-Jacques est un prosateur sublime. Quel talent et quelle verve, sous une plume noble, et douce....

Lisez Jean-Jacques, lecteurs bénévoles, comme dirait Rabelais. Prenez soin de vous. Bonne lecture. Tcho. Et vive le philosophe genevois, cet esprit si incompris, et pourtant si brillant..... @ +.
ClementLeroy
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le 16 févr. 2015

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San  Bardamu

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