Si l’on souhaite trouver une ligne directrice à ce petit bouquin qui se dévore d’une traite, ce serait plutôt l’idée.
Ce court roman noir de Fréderic H. Fajardie publié pour la première fois en 1993, nous amène à rencontrer des personnages qui trouvent un sens à ce joyeux bordel qu’est la vie en utilisant un matériau des plus efficaces : j’ai nommé l’explosif. Simple, efficace, basique. Et lorsque l’un des protagonistes est un expert en la matière, on ne boude pas son plaisir et on se laisse tenter à imaginer la suite.
Stephan est donc un ancien artificier de l’armée. Jeune homme faisant couler sa vie monotone, une vie qui le rend blasé jusqu’à une rencontre qui va changer la donne. Une rencontre qui va foutre un sacré boxon notamment dans la capitale. Une rencontre qui est à l’origine d’un parcours parsemé d’odeur de poudre. Un parcours où d’autres anciens de l’armée et des policiers plus ou moins lucides sur les enjeux de cette quête, se retrouvent à graviter.
Une quête très originale se met donc en place par le biais du protagoniste principal. Alors vous pourriez me dire on ne fait pas tout péter comme ça, sans raison. Et par amour ? C’est une première lecture et c’est ce qui va amorcer le parcours de Stephan suite à sa rencontre avec Jeanne. Fajardie oblige, la problématique sociale et sociétale est aussi de la partie bien calée dans le fond. Une forme de révolution au sens propre, palpable, par l’action se construit et prend forme page après page. Cette dernière va enclencher la suite des événements. Une révolution pas si propre que cela lorsqu’on y réfléchit. Vous le verrez par vous-même, on parle tout de même d’explosifs.
Cette révolution en forme d’hommage à un courant anarchiste libéré de tout joug semble aussi poser des questions à une autre échelle. Et cette deuxième lecture d’ordre social irrigue tout aussi bien ce court roman. Dénoncer les conditions de travail ouvrières, les manigances des politiques au pouvoir, percevoir la fine frontière entre les « bonnes actions » et les « mauvaises », on distingue de nombreux thèmes à l’arrière-plan du récit. Et finalement, jusqu’où aller pour une cause qui apparaît juste ? Tout faire péter ? Risquer la vie de certain.e.s ? A vous de voir. Stephan et ses compères semblent avoir déjà fait leur choix.
La prose de Frédéric H. Fajardie ne fait pas dans la fioriture. Ici, on ne retrouve pas la phrase de trop et le rythme est soutenu. L’action d’une scène est campée en quelques lignes avant de passer à une autre en un clin d’œil. Pour autant, la gouaille des personnages du néo polar des 70’s est de mise avec les clichés qui vont avec certes, mais sans faire perdre pour autant son charme au bouquin. Une lecture qui coule tout seule. Qui pose les bonnes questions, juste ce qu’il faut pour laisser la place à la réflexion une fois la dernière page tournée. Et cette dose de surréalisme dans l’action (et si un jour ça partait vraiment en vrille comme ça ?) nous laisse aussi songeurs.
Au passage, il est à noter le très bon boulot des éditions Gallimard dans leur collection La petite vermillon avec une belle couverture. Les ouvrages de cette collection méritent souvent le détour et attirent l’œil sur les étals des libraires. Une couverture de chat pour ce roman en référence au petit gang des « Chats bottés » qui se forme autour de Stephan.
Un bon moment de lecture en somme, où le courant anarchiste rencontre le roman noir pour composer un joli feu d’artifice.