Il y a tant de choses à dire à propos de La Nuit des temps car René Barjavel tente de toucher à l'universalité : la Guerre Froide, la bombe atomique, l'éternel recommencement du genre humain, les utopies, etc.
A travers deux récits enchâssés, les Hommes du présent découvre la Terre du passé et ont consciemment ou non une préfiguration du futur dans une espèce de cycle perpétuel qui donne sa pleine mesure au titre du roman. Car La Nuit des temps n'évoque pas simplement le vertige des siècles et des millénaires passés, elle referme également le récit de manière tragique et incertaine.
Il est difficile également de penser à ce roman sans faire référence au précédent Ravage car l'auteur est animé du même but, tout au moins de la même volonté. Si on retrouve le style rapide de Barjavel, essentiellement dans le récit des scientifiques en Antarctique, il est pondéré par un souffle volontiers onirique lorsqu'il s'agit d'évoquer le monde de Gondawa. Pondéré seulement, car, que l'on ne s'y trompe pas, si Barjavel fait preuve de plus de subtilité, sa plume reste tout aussi acerbe au sujet de l'espèce humaine. Dans un double éclairage que sont Ravage et La Nuit des temps, on pourrait même y déceler une pointe désabusée.
En effet, dans Ravage, la société du Progrès sombre inévitablement dans l'Apocalypse et Barjavel prône un retour à la terre sans ambiguïté. Les années passant, on pourrait penser que cette utopie-là n'est plus qu'une lointaine illusion. Car, dans La Nuit des temps, le Progrès est toujours la cible de sa virulence (où l'on voit déjà que dans les années 60, la télévision abrutit les consciences) mais le retour à la terre est annihilé par le comportement humain. Lorsqu'Elea évoque son passé sur Gondawa, le narrateur ainsi que le lecteur passent de l'émerveillement d'un monde utopique où les contraintes semblent avoir disparues dans une symbiose maîtrisée à la réalité indécrottable des interactions humaines.
De ce constat amer, que reste-t-il ? Barjavel tente de dresser l'Amour comme la dernière valeur à laquelle hommes et femmes peuvent s'accrocher. Une valeur comme un phare dans l'existence. A l'amour pur d'Elea et Païkan répond en mode mineur (et pourtant important) l'amour réconciliateur de l'américain Hoover et la soviétique Léonova. Certes, l'amour est insuffisant mais elle se révèle une soupape morale.

berengari
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le 20 avr. 2020

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