La rumeur montait, et avec elle l'envie d'aller voir ça de plus près : La nuit du faune - deuxième roman de Romain Lucazeau après son diptyque Latium- serait une proposition de Hard SF poétique et frrrrrançaise-oui-mon-générrrrral plus que pertinente, voir carrément enthousiasmante, oserait-on dire totalement captivante. Moi qui venait d'enchainer plusieurs romans anglo-saxons, c'était sans doute le moment parfait pour se replonger dans la littérature du "merveilleux" car, comme il est toujours utile de le rappeler, la France fut pionnière en matière de fantastique et de science-fiction, avant que le genre ne commença peu à peu à être mal considéré par l'intelligentsia et finit par traverser un passage à vide en même temps qu'il fut "confié" avec l'eau du bain aux bons soins de nos amis américains et anglais..tout ça pour dire que l'on assiste ces dernière années à un retour en force de la SF en France et je trouve cela assez réjouissant. Fin de la digression stop. La nuit du faune donc. (stay)Focus : je suis venu, j'ai lu...j'ai été conquis.
La nuit du faune met en scène deux êtres : un petite fille étrange, dernière de son espèce, et un faune, une creature issue d'un peuple encore jeune, à l'aube de son histoire. La fillette s'ennuie, le Faune veut comprendre les mystères de la nature. Ensemble ils vont voyager.....à travers l'univers. Si vous percevez comme une dissonance narrative, c'est que Lucazeau a l'audace de proposer un récit qui tient tout autant de la science-fiction la plus spéculative que de la fable humaniste, voir du conte initiatique et philosophique. Ce voyage cosmique c'est un peu Saint-Exupéry qui aurait lu Stephen Hawking, c'est Voltaire et son Candide explorant la voie lactée et au delà. Car la fillette avertit le Faune : avec la connaissance vient la désillusion. Savoir, c'est savoir que nous ne sommes rien, ou si peu. Et ce periple homérien à travers les astres sera donc l'occasion de chercher à saisir si dans le vide immense et absurde de l'univers il y a quelque chose qui donne du sens aux choses. Un sacré programme donc, et chaque étape de ce voyage est bien sûr l'occasion d'une découverte fascinante, troublante...ou terrifiante.
Si cet aspect programmatique semble au début peser dangereusement sur la balance narrative, peu à peu un "sens of wonder" puissant balaie toute reserve et nous emporte dans un récit de plus en plus epique. L'auteur arrive à créer une nouvelle mythologie galactique, un lore cosmique, toujours basé sur la physique fondamentale mais entrelacé d'éclats oniriques. Et quid de l'aspect poétique du roman? Un terrain assez casse-gueule et qui me faisait un peu peur : je ne supporte pas l'écriture ampoulée option bac philo pour les nuls de Demasio et son surcôté La horde du vent (les 200/300 dernieres pages sont un abominable et interminable concentré d'âneries poetico-philo-pouet-pouet que n'aurait pas osé écrire un ado en pleine crise Emo). Ici, miracle, Lucazeau est à l'opposé du faussaire pré-cité : une plume relativement simple mais douce et ample. Qui va droit au but mais sait debusquer le beau et l'incongru entre les mots. Et qui propose une fin belle et puissante, en tout cas qui a su toucher ma sensibilité et nourrir ma reflexion.
En résumé : Une oeuvre mélancolique et profondément humaniste, où les concepts les plus hard SF nourrissent un récit plus proche de la littérature du merveilleux et des contes moralistes que du space opera à gros sous. Lire ce roman, tu dois! (mea culpa : je n'ai pas encore lu Latium!! je m'y met dès que je peux, promis....)