« J’étais certaine d’être dans un jour de chance, parce que le bout de tous mes doigts me picotait. »
La nièce (dans laquelle on projette forcément l’autrice) est née et a grandi à Créteil, d’un père antillais et d’une mère ch’timi. Tous les deux ans à peu près, elle est allée passer l’été dans sa famille paternelle, en Guadeloupe. Jeune maman, à la trentaine, elle décide d’interroger son père et ses deux soeurs (ses tantes à elle, donc) sur leur enfance, sur leurs racines communes. Celle qui raconte avec le plus de verve la saga des Ezechiel de Morne-Galant de 1947 à 2006, c’est Antoine, l’aînée. La vision de sa petite soeur, Lucinde, est plus succincte, plus acide aussi; moins pittoresque, et très partagée. Le petit dernier, « Petit-Frère » (le père de la nièce) est lui plus structuré, dans une langue précise et plus travaillée. Le tout se lit avec gourmandise et on s’attache durablement à cette famille qui nous offre des portraits saisissants. Loin d’une vision manichéenne des choses, le regard de ces quatre êtres sur leur condition de français d’outre-mer puis de métropolitains est nuancé et constructif. Un très beau premier roman.
« A mon tour, j’ai devancé l’appel; c’était ça ou glisser doucement vers un effondrement intérieur. Les contours de l’île étaient les murs de ma prison. (…) Bien plus tard, quand j’ai eu accès à autant de livres que je le voulais, lorsque des collègues et des professeurs m’ont aidé à mettre des mots sur ce que je ressentais, lorsque j’ai moi-même appris à trouver un chemin dans les mots tortueux des patients que je soignais, j’ai compris qu’à vingt ans, l’armée m’avait sauvé. »