Tout d’abord, il faut passer outre le 4ème de couverture de ces coquins du Diable Vauvert qui essaient (un peu) de vendre le livre sur Trump : le fameux « président américain élu en 2024 », un certain Donner, n’a en réalité que très peu d’importance dans ce récit, qui peut se targuer de nombreuses autres qualités.

Comme son titre l’indique, le livre plante ses graines dans la 1ère moitié du récit. On y suit une communauté essayant de survivre à l’apocalypse, à travers le journal de bord de l’héroïne, la jeune Lauren, fille d’un pasteur afro-américain baptiste qui constitue pour elle autant un modèle qu’une figure à dépasser. L’horreur qui règne hors des murs de leur quartier est dépeinte par touches, à travers les quelques rares sorties, les « on-dit ». Puis, la menace se fait de plus en plus pressante : un assassinat isolé, des rapines, la mort d’un de ses frères, parti tenté sa chance avec les gangs, la disparition de son père… jusqu’à l’explosion.

La deuxième partie est une course effrénée dans l’horreur, au sein de laquelle les graines semées vont tout de même germer, et où une communauté plus solide va se constituer progressivement.

Octavia Butler instaure, à travers son héroïne, une drôle de religion, une forme de transcendance dans l’immanence, une religion de la survie : « la semence de la Terre ». Prier, ce n’est pas attendre d’être exaucé, c’est façonner Dieu pour qu’il nous façonne à son tour, c’est agir, c’est s’adapter, c’est survivre. Mais ce n’est pas survivre seul. Le livre est intéressant sur ce point, notamment au regard du mouvement survivaliste actuel. Sans être naïf (le récit nous montre les PIRES exactions dont sont capables les êtres humains, croyez-moi), il pose dans sa 2ème partie que de la diversité d’un groupe naîtra sa complémentarité. Mais celle-ci se travaille dans la douleur : « pour que le phénix renaissance de ses cendres, il doit d’abord brûler ». La communauté initiale attend et meurt. De ses cendres naîtra la deuxième, qui va agir et survivre.

Le livre pose également un contexte pré-apocalyptique saisissant : les drogués à la « pyro » qui jouissent devant un monde en flamme, la police qui agit comme une milice extorquant ceux qui font appel à elle, un esclavage moderne orchestré par des compagnies privées qui profitent d’un État disloqué (wink wink les Libertariens de mes deux)… Les images d’exode, ces masses de miséreux se regardant en chien de faïence, qui marchent péniblement sur les autoroutes californiennes désertes vers un hypothétique espoir dans le nord, sont stupéfiantes.

Octavia Butler nous parle aussi, chose rare dans la SF d’anticipation, de multi-culturalisme, de façon très concrète, à l’américaine quoi : les communautés, pour survivre, ne devront en former qu’une, plurielle.

Enfin, le livre est très axé sur ses personnages, vus à travers l’hyper-empathie de Lauren. Iels sont bien construits, parfois un peu trop lisses, c’est vrai, mais qui vont gagner en profondeur dans leurs intéractions. Car c’est cela qui est vraiment intéressant à suivre : comment ces individus vont faire société et vont apprendre la confiance. Comment, finalement, une graine, parmi toutes celles foulées au pied, brûlées, desséchées, va parvenir à germer.




Gooule
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