Comprendre pourquoi des individus en viennent à sacrifier ce qu'ils ont de plus précieux (argent, temps, vie, etc.) au nom d'une idée. Le but est alors de rompre avec l'idée que ces individus (qu'ils soient terroristes, collectionneurs de timbres, fans de Claude François, artistes...) seraient irrationnels, irresponsables. Du fanatique à l'homme ordinaire il n'y aurait pas loin. L'auteur donne alors de nombreux exemples afin de dévoiler les mécanismes à l'oeuvre dans l'entrée dans la "pensée extrême".
On peut cependant regretter certaines choses. Tout d'abord, l'auteur a parfois tendance à faire des détours plus ou moins longs, afin de nous faire comprendre les idées qu'il avance. Si le but pédagogique ne saurait être contesté, on peut regretter que, souvent, les détours reprennent, parfois à l'identique, des parties de ces précédentes oeuvres (les passages sur les sectes par exemple). Cela donne alors l'impression que l'ouvrage n'est pas directement en lien avec le titre et que l'auteur n'attaque pas, de front, le sujet mais utilise des idées développées auparavant qu'il rattache, par une ou deux phrases, au sujet de son livre.
De plus, certaines phrases ont tendance à susciter la désapprobation, voire révèlent une certaine tendance à céder à la facilité. Un exemple typique se trouve à la page 241, quand il déclare qu'il est désormais clairement établi que la démocratisation de l'enseignement a produit une dévaluation des diplômes" (citation faite de mémoire). Cette phrase lui sert à formuler une hypothèse sur la possible frustration éprouvée par des individus éduqués qui voyant leurs titres scolaires ne pas avoir le rendement espéré (notamment s'ils partent à l'étranger) pourraient éprouver de la frustration par rapport à l'Occident, d'où la possibilité de tomber dans le fanatisme.
Or, une telle affirmation est contestable : outre le fait qu'il parle de valeur extrinsèque et non intrinsèque des diplômes (distinction qui n'est pas précisée), l'idée d'une dévaluation n'est pas admise de manière incontestable. Pour schématiser, l'auteur est dans la lignée de M. Duru-Bellat et de L'inflation scolaire (2006) quand E. Maurin, dans La peur du déclassement (2009) montre, en exploitant des données de l'INSEE, qu'entre les années 70 et 2008, les diplômes auraient, au contraire, pris une valeur de plus en plus exorbitante, rendant un échec scolaire d'autant plus coûteux. Ainsi l'écart entre le taux de chômage, 5 ans après la sortie de l'école, des non-diplômés et des diplômés, entre 1975 et 2008 est passé de 10 points de pourcentage à 40, l'écart étant de 10 à 30 pour les non-diplômés par rapport aux titulaires du bac'.
Finalement, la lecture de cet ouvrage vaut le coup d'oeil, même si le manque d'études sur la question (cf. les nombreuses références que fait l'auteur, pour les citations qu'il interprète, à l'ouvrage de 2006, de Khosrokhavar voire aux résultats de thèses en cours, sous sa direction...) traitée pénalise parfois les développements, ce qui peut contribuer à expliquer la gêne éprouvée ci-dessus, au sujet des références à des éléments souvent décalés par rapport au sujet central.