C'est une lecture qui m'a mise à l'aise, d'une part parce que la radicalité de Monique Wittig dans ce texte est palpable et je m'y identifie, de l'autre parce que je ne pouvais m'empêcher de lire ce texte en comprenant comment ces idées ont servies de soubassement idéologique aux théories queers.
Je trouve que sa thèse "les lesbiennes ne sont pas des femmes" c'est à dire que les lesbiennes n'ont pas de "relation particulière à l'homme, relation que nous avons autrefois appelée servage [...] à laquelle les lesbiennes échappent en refusant de devenir ou de rester hétérosexuelles" est percutante. Et une grande partie de ses textes permettent d'interroger l'hétérosexualité, de nommer et dénoncer le carcan qu'il produit à travers une perspective radicale et novatrice.
Mais en même temps quand elle conclut La pensée straight en disant "il serait impropre de dire que les lesbiennes, vivent s'associent, font l'amour avec des femmes car la-femme n'a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels" je bloque.
Parce qu'elle semble décrire ainsi les femmes lesbiennes uniquement par la négative, comme si l'hétérosexualité définissait le contour de leur identité ou de leur non-identité.
Mais si les lesbiennes ne sont pas des femmes, que sont-elles ?
L'humanité des femmes, et le féminisme qui l'accompagne n'a pas de sens avec cette négation de sa partie la plus émancipée, précisément, du régime politique hétérosexuel qu'elle décrit.
Monique Wittig ne répond pas à cette question, elle formule cette thèse audacieuse mais n'explique pas vraiment où elle peut se matérialiser.
En 2022, alors que guerre idéologique entre queers et féministes radicales fait rage, j'ai dû mal à savoir où positionner ce texte.
Ainsi, sa proposition d'abolir la catégorie de sexe (bien de sexe et non de genre) me laisse perplexe. J'en comprends l'intention, puisqu'elle propose d'abolir ainsi l'esclavage des femmes. OK, génial. Mais ce que je ne comprends pas quelle forme elle imagine pour cette société sans sexe, où le chemin qui y mène autrement que le lesbianisme. Ou alors seulement le lesbianisme y mène ? Ca veut dire quoi un monde sans catégories de sexe où interagissent des personnes de deux sexes biologiquement différents ? Peut-on abolir les catégories de sexe sans abolir la dualité biologique humaine ?
Monique Wittig ne répond pas à ces questionnements (ou peut-être le fait elle et j'ai rien capté, auquel cas merci de me l'expliciter).
Il faut dire que la langue, philosophique et universitaire de Monique Wittig n'invite pas à tant à la réflexion lucide qu'aux interprétations confuses. Monique Wittig m'a semblé naviguer majoritairement dans le domaine de la pensée, de l'abstrait, des idées. Seules ses réflexions sur le régime politique hétérosexuel et la difficulté d'en sortir ont réellement fait sens, matériellement, pour moi.
Mais la majorité du texte me laisse dubitative.