Le décor planté est excellent. Une guerre civile voilée de mystère, dans une ville côtière baignée de soleil, vue par les yeux d'un jeune sniper autodidacte. On pense fort au Liban mais peu importe, la part d'ombre ajoute ici au sentiment d'inconnu qui flotte dans l'air.
Ce sniper amoureux des toits vit comme un chat, et ça se ressent dans sa manière sensorielle de décrire le terrain et les évènements. Ça passe souvent par le prisme de la lumière, du vent, des senteurs, des variations de calme ou d'agitation... et c'est plutôt immersif. Solitaire, il ne se montre que furtivement, et uniquement quand il l'a décidé. Il est à la fois central (la vie des gens qu'il tient au centre de sa lunette, la psychose qu'il engendre dans les quartiers ennemis, sa réputation teintée de légende) et étranger au monde, physiquement et socialement.
La limite, c'est que le tireur est trop seul dans cette histoire. Son entourage est logiquement restreint, mais les dialogues sont rares, et les humeurs ou pensées des autres sont toujours rendues via son point de vue. Pour que ce parti-pris soit vraiment gagnant, il aurait fallu que le charisme du sniper soit total. On devrait l'aimer, le détester, les deux à la fois même, mais on garde finalement une certaine distance, comme si il avait du mal à se laisser approcher par le lecteur lui-même.
En bref un roman avec une part de mystère accrocheuse, et une autre qui éloigne.