J'avais prévu de bien aimer, parce qu'en entendant l'autrice parler sur France Inter, je me suis dit que ce serait un peu l'anti-Edouard Louis : plus psychologique que sociologique, beaucoup moins lourdement militante (malgré son étiquette de "féministe intersectionnelle"), plus attentive à la complexité du réel. Témoin ce moment assez étrange et assez émouvant où elle explique à Léa Salamé que oui, pour elle, musulmane pratiquante, l'homosexualité est un péché, mais que ce n'est pas si grave et qu'on fait avec (ma foi, si j'ose dire, on a encore le droit de se débrouiller comme on veut avec son homophobie intériorisée). En tout cas, je faisais le pari qu'il serait littérairement plus productif de tenir ensemble les différentes facettes de sa personnalité (lesbienne et musulmane, française d'origine algérienne, clichoise et parisienne), plutôt que de bazarder tout ce qui lui vient de sa famille et de son enfance, comme Edouard Louis (choix respectable au demeurant, mais enfin, du coup, ça tourne vite au manichéisme).
Et puis bon, après l'avoir lu, ce bouquin, je m'en trouve assez déçu ; j'ai l'impression qu'on reste un peu toujours en surface des choses ; que les blancs et les sauts de ligne, qui font de chaque chapitre une sorte de litanie, se veulent propice à des silences rêveurs qui seraient mieux comblés par des analyses ou des réflexions plus poussées ; les différents éléments du problème sont davantage juxtaposés qu'intégrés (puis-je dire sans cuistrerie que tout ça manque de dialectique ?) ; le récit un peu top bref manque de chair et de profondeur ; c'est dommage.