George Sand nous donne autant à sourire qu'à pleurer avec cette douce fable sur l'enfance et ses transformations, qui voit éclore au fil des pages La Petite Fadette, une jeune fille dont les mystères et secrets la rendent sorcière aux yeux de tous. Dans un environnement rural aux principes tenaces (dont George Sand ne s'abolit jamais, au final), le lecteur se prend d'amitié pour cette innocente au cœur malicieux, détestée de tous pour sa ruse, sa solitude, sa famille et surtout sa laideur. Habituée aux moqueries et à un statut conféré depuis toute petite, elle ne fait plus les efforts nécessaires pour prouver le contraire : mieux, elle s'approprie à merveille cette image.
Sous la plume bienveillante et libérée de Sand, le lecteur se remémore certains instants de solitude qu'il a pu endurer durant son enfance puis son adolescence, avec une mine joyeuse qui ne le quittera pas jusqu'à la dernière page. Si le sujet est plutôt difficile de prime abord, La Petite Fadette est avant tout une belle histoire dont les couleurs et nuances se dévoilent au fur et à mesure, comme une buée qui s'évapore, comme la tendre mélodie des jardins d'enfants. Le lecteur découvre une belle âme, généreuse, intelligente, cultivée et même coquette derrière cet état de renoncement et ces préjugés acerbes. Pour être honnête, on pourrait peut-être reprocher à Sand de ne, finalement, pas essayer de dépasser l'omniprésence du physique en rendant la Fadette mieux fagotée, plus apprêtée et plus jolie au fil des années, ce qui rompt un peu l'élan du discours humain derrière ce conte.
Le livre retrace donc le destin atypique de cette jeune femme repoussée par tout le monde, à travers les yeux de deux jumeaux, des bessons comme elle les appelle, et notamment un, Landry. Leurs similitudes se transformeront en différences, jusqu'à ce que leur point de vue sur la petite Fadette soit diamétralement opposé ; l'un l'aime, l'autre la déteste, et tous les deux ne pourront jamais s'entendre sur un amour aussi possessif, aliénant et qui semble défier toute logique et toute morale. Mais qui sait jusqu'où cette réhabilitation de la beauté intérieure s'arrêtera-t-elle ?