A l’époque où est sorti La petite fille de Monsieur Linh, l’actualité ne prenait pas encore vraiment la mesure du sort des migrants, de la difficulté de vivre intérieurement un exil mais aussi des conditions de rétention dans un pays d’accueil. L’histoire universelle de Philippe Claudel est une mélopée mélancolique où tous ces aspects sont abordés mais sa plus grande qualité est de ne pas tomber dans le pathos. En effet, monsieur Linh et sa petite fille rencontrent Monsieur Bark au hasard d’une ballade( celui, qui aboit dans le bon sens du terme, dont l’énergie vitale est contagieuse) et ils ne sentent plus comme des étrangers sur leur nouvelle terre d’asile. Cette rencontre, c’est le rayon de soleil de l’histoire qui infléchit la barrière linguistique et convoque la générosité humaine profonde des êtres. C’est beau mais quelque part, le récit essentiellement narratif de Philippe Claudel a tendance à se répéter, à revenir sur des points de focale sans les approfondir. Et finalement, le récit ne décolle pas, se contentant d’exposer la répétitivité assommante de la vie de ces deux migrants dans la foule. C’est peut-être l’effet de style escompté mais d’autres descriptions plus poussées auraient peut-être donné une autre saveur au livre.Ainsi l’errance de monsieur Linh dans l’épilogue, aurait pu s’avérer moins pénible. L’essentiel demeurant la félicité dans les dons à l’autre, la volonté de monsieur Linh de s’occuper dignement de sa petite fille mais aussi dans le fait que l’éclaircie réapparaît toujours après le mauvais temps. Un principe de plénitude si simple mais que l’on acquiert dans la maturité d’une vie au meilleur de son tempo.